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ÉTUDES D’HISTOIRE PRIMITIVE.


II.


On sait que Cuvier, pour les mêmes raisons de fait et de théorie qu’au sujet de l’homme, avait supposé que les singes étaient étrangers aux terrains profonds, et qu’ils avaient apparu seulement avec la période où la race humaine a elle-même apparu ; mais de nouvelles découvertes, démontrant l’existence de singes fossiles, ont réfuté cette opinion de Cuvier. Ces singes ont existé non-seulement en Asie et en Amérique, comme les singes actuels, mais aussi dans le nord de l’Europe, par exemple en Angleterre, jusque sous le 52e degré, ce qui prouve, comme bien d’autres faits, que jadis la température de l’Europe a été plus élevée qu’elle n’est maintenant. Il est vrai de dire que les débris fossiles de cet animal sont rares, surtout en Europe, et qu’il n’a pas dû être abondant, ou que, s’il l’a été, on n’a pas encore rencontré les gisemens qui ont conservé ses os.

La trouvaille de singes fossiles a naturellement rendu la trouvaille d’hommes fossiles moins improbable, mais moins improbable seulement. Depuis qu’il est établi que l’ordre des quadrumanes, le plus voisin de l’homme, est représenté parmi d’antiques créations, on est plus autorisé qu’auparavant à chercher si l’ordre des bimanes n’y aurait pas aussi ses représentans. De quelque façon que l’on considère l’ensemble de la zoologie actuelle et passée, on ne peut nier que certaines formes organisées sont en rapport entre elles, et que certains anneaux de la chaîne se tiennent, ou du moins sont peu écartés l’un de l’autre. Il n’est point de paléontologiste qui, dans l’état des connaissances, ne fût grandement surpris si les mêmes terrains lui offraient, à côté des formes étranges des sauriens de l’ancien monde, les créations de l’époque quaternaire, qui sont marquées d’un sceau tout différent. Et semblablement un même sceau, empreint sur les gigantesques proboscidiens qui ont cessé d’exister, sur le mastodonte, le mammouth ou éléphant fossile, annonce la prochaine apparition de nos espèces actuelles. De la même façon on peut croire que, le singe ayant apparu, l’homme ne devait pas être aussi loin que les recherches présentes le plaçaient.

Mais dans une matière aussi nouvelle et, il faut le dire, aussi étrange à l’esprit que celle des âges, des mondes et des existences géologiques, les raisonnemens valent peu, et le moindre fragment authentique a plus de poids que des analogies qui, au milieu de tout ce qui est encore ignoré, laissent une trop grande place au doute et à l’incertitude.

On trouve, en bien des lieux, des cavernes qui contiennent des