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depuis vingt ans toute une série de drames, dont le plus célèbre et le plus vivement discute est consacré à cette touchante figure de Griselidis illustrée par Boccace. M. Frédéric Halm est le neveu d’un diplomate éminent, M. Le baron de Münch-Bellinghausen, qui a présidé longtemps la diète germanique à Francfort comme représentant de l’Autriche. Des convenances de famille qui avaient déjà déterminé le jeune poète à publier ses drames sous un nom de guerre finirent, dit-on, par l’éloigner du théâtre. Il y avait près de dix ans que M. Halm se taisait. La poésie cependant n’y perdait rien, et un jour, après avoir composé son Gladiateur, il ne résista pas au désir de lui faire affronter l’épreuve de la scène. La pièce fut envoyée au théâtre royal du Burg (Hofburgtheater), à Vienne, sans qu’on pût soupçonner de quelle main elle venait. Le directeur de ce théâtre, M. Henri Laube, est lui-même un poète très capable d’apprécier une œuvre sans l’étiquette d’un nom. La tragédie anonyme, mise immédiatement à l’étude, fut jouée avec un succès immense, et bientôt elle fit le tour de l’Allemagne. Ce succès durait depuis plus d’une année, les droits d’auteur s’accumulaient, et personne ne venait les réclamer. Ce mystère, on le pense bien, piquait singulièrement la curiosité, lorsque de violentes polémiques s’élevèrent sur la paternité primitive de l’ouvrage. Un poète inconnu prétendait avoir conçu ce grand sujet et en avoir composé un drame qu’il avait adressé à M. Henri Laube. Les mots de plagiat, d’improbité littéraire, étaient prononcés, et M. Henri Laube qui avait effectivement refusé une pièce des plus médiocres sur un sujet analogue, M. Laube qu’on soupçonnait tout bas d’avoir mis à profit une œuvre soumise à son jugement, était plus impatient que personne de connaître enfin l’auteur du Gladiateur de Ravenne. C’est alors que M. Halm se déclara, et cette déclaration, aussi fière que loyale, eut bientôt mis fin à la polémique. Ces incidens étranges, ces émotions inaccoutumées, cette question qui fut pendant quelques mois la seule question importante au-delà du Rhin, tout cela a pu augmenter encore le succès du Gladiateur de Ravenne; il est incontestable pourtant que le succès était mérité. Cette attention de tous, excitée par des discussions si vives, était une rude épreuve pour un ouvrage littéraire; la tragédie de M. Halm en est sortie victorieuse.

La scène est à Rome, dans le palais de Caligula. On prépare une grande fête au cirque, et Glabrion, qui dirige à Ravenne la fameuse école de gladiateurs, vient d’arriver avec son troupeau d’esclaves. César les loge dans un coin de son palais. Voyez ces êtres dégradés et le chef odieux qui les conduit. Glabrion a été chargé de les avilir, de rendre leurs corps robustes et de leur apprendre l’escrime; il a bien rempli sa tâche. Ce sont de beaux champions, ces gladiateurs.