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diateur de Ravenne le sentiment de l’honneur et du patriotisme? C’est là le sujet, un sujet neuf et hardi, comme on voit, et dès les premières scènes il est impossible de ne pas se sentir ému.

Le second acte nous introduit dans une salle du palais de Caligula. César s’ennuie, et maintes fantaisies féroces lui traversent le cerveau. Tous les courtisans tremblent; il y en a qui conspirent à voix basse. Si le maître est devenu fou, si les plus serviles ne sont plus en sécurité dans son palais, il est temps de se débarrasser de lui. C’est l’opinion de Cassius Chéréa, le chef de la garde prétorienne, et de son tribun, Cornélius Sabinus. Patience pourtant; il y a peut-être encore moyen de distraire l’ennui de l’empereur. Cœsonia, sa femme, se charge de ce soin. On apprend à Caligula que la veuve d’Armin demande la grâce de voir son fils, élevé sous le nom de Thumélicus dans l’école des gladiateurs de Ravenne. — Quoi ! Thumélicus est le fils de Thusnelda! Eh bien! dit Cœsonia, qu’elle voie son fils à l’œuvre, que l’héritier d’Armin joue son rôle dans l’arène, et que ce soit là l’image de la Germanie, réduite à servir aux divertissemens du monde romain ! — L’idée sourit à Caligula. Il arrange là-dessus tout un programme de fête. Thusnelda aura un siège à part sur les gradins, et tout le peuple la verra, la princesse germaine, avec sa couronne de chêne dans les cheveux. Son fils, le fils d’Armin, vêtu du costume national, armé de l’épée de son père, combattra dans l’arène, et celui qui le frappera du coup mortel (car il faut que Thumélicus meure) portera la pourpre de césar. Heureuse idée qui renouvellera l’intérêt des jeux du cirque! La défaite prochaine de la Germanie, le triomphe de Caligula, seront annoncés au monde dans ce dramatique symbole.

Le fils d’Armin consentira-t-il à se battre dans le cirque sous le costume des Germains? C’est là le sujet du troisième acte. Ce fils d’Armin est avant tout le gladiateur de Ravenne. Sa nouvelle famille l’embarrasse fort. « Ma mère m’a manqué quand j’aurais eu besoin d’elle; je la retrouve à présent que je m’en passerais si bien. Que m’importe cette Germanie dont on me parle? Je suis Romain, je suis gladiateur. Je ne veux pas être un fils de prince, si mes camarades se moquent de moi et m’appellent un ours des forêts germaniques. » Ainsi parle l’esclave, reniant tout, son père, sa mère, sa patrie, et ne connaissant plus d’autre loi morale que son point d’honneur d’histrion. On obtiendra difficilement qu’il se prête aux caprices de César; jamais le gladiateur de Ravenne ne voudra paraître dans le cirque avec une peau de bête sur les épaules et un casque orné de plumes de vautour. Lycisca seule pourra le convaincre, le fouet de Glabrion n’y réussirait pas. Glabrion le sait bien, et il envoie sa fille auprès de Thumélicus. La courtisane arrive, elle trouve le gladia-