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POLITIQUE
DE LA FRANCE EN ASIE



Il fut un temps où la France était puissante en Asie ; son drapeau, glorieusement tenu par de vaillans officiers de fortune, était respecté et invoqué par les populations de l’Hindostan ; ses navires de guerre, répandus sur les mers orientales, convoyaient les riches escadres de la compagnie des Indes ; son prestige était si grand que, du fond de l’Asie, les souverains envoyaient des ambassades à la cour de Versailles, étonnée de recevoir ces lointains hommages ; ses missionnaires étaient partout, dans l’Inde, à Siam, en Cochinchine, à Pékin, même au Japon, et partout, en propageant par d’héroïques travaux les lumières de la civilisation et de la foi chrétienne, ils propageaient le nom et l’influence de leur patrie. On a vu des capitaines français à la tête d’armées indiennes, des mandarins français en Cochinchine, et cette pléiade ou plutôt cette dynastie de pères jésuites qui, sortis de nos séminaires, allaient occuper à Pékin, dans l’orgueilleux palais des empereurs de Chine, les plus hauts emplois. Que reste-t-il de toute cette puissance ? Quelques coins de terre sur lesquels plonge le canon anglais ; les noms de quelques héros, Dupleix, Bussy, Suffren ; les pieux souvenirs que réveille l’histoire des missions catholiques ; des traditions, glorieuses sans doute, mais déjà bien vieilles et trop longtemps demeurées stériles. Pouvons-nous aujourd’hui, avec cette poussière du passé, reconstruire l’édifice de notre ancienne grandeur en Asie ? Napoléon y avait songé : c’était un des projets, un des rêves de sa jeunesse. Lorsqu’il posa le pied sur le sol de l’Égypte, ses regards, franchissant les espaces, étaient fixés sur l’Inde. L’Orient l’avait séduit. L’Égypte n’était point seulement à ses yeux une future colonie destinée à ouvrir au commerce français les marchés de l’Asie, c’était aussi, comme il le déclare dans ses Mémoires, une place d’armes d’où la France pouvait