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ÉTUDES D’HISTOIRE PRIMITIVE.

Alors que les éléphans et les mastodontes erraient dans les plaines de la Picardie, alors que les hippopotames ou quelques espèces analogues peuplaient la Somme et l’Oise, il faut bien admettre que le climat était tout différent. Les forêts qu’habitaient ces animaux antédiluviens n’étaient pas non plus composées de nos chênes et de nos hêtres. La température était plus chaude et donnait à toutes les productions, tant animales que végétales, un caractère autre que celui des terres présentement situées au nord de Paris. On peut en conclure que la race des hommes qui fut contemporaine de ces animaux, de ces plantes et de ce sol, avait aussi son empreinte spéciale. Virgile, se laissant ravir aux douceurs du printemps, s’est écrié en des vers magnifiques :

Non alios prima nascentis origine mundi
Illuxisse dies aliumve habuisse tenorem
Crediderim ; ver illud erat, ver magnus agebat
Orbis.....


Dans son intuition poétique, il lui a semblé qu’à l’origine du monde naissant, la sérénité d’un printemps éternel planait sur la terre, et y favorisait l’engendrement des créatures vivantes. Certes on admirera cette vision vague et confuse de la réalité des choses ; Virgile ne s’était pas trompé tout à fait : un printemps planait sur le globe terrestre, si l’on donne le nom de printemps à une température plus élevée et plus constante que celle qui est notre partage. Pourtant, au milieu de cette chaleur abondante et de cette vie qui faisait explosion d’époque en époque sur les terrains géologiques, on remarquera ceci : à mesure que la température devenait moins uniforme, à mesure aussi apparaissaient des races d’animaux plus parfaites.

Les indices, encore incertains sans doute et controversés, conduisent à croire qu’une distinction de ce genre est à établir entre les hommes antédiluviens et les races supérieures qui survinrent. En tout cas, la question qui s’agite au sujet des hommes antédiluviens se présente maintenant sous deux faces. D’une part, on trouve çà et là quelques débris humains que plusieurs déclarent provenir de couches profondes ; mais la rareté même de ces trouvailles et le caractère indécis des gisemens laissent des doutes, et ne permettent pas encore d’établir le fait parmi les certitudes de la science. D’autre part, les armes et les ustensiles, qui sont aussi des témoins irrécusables, ont été exhumés du sol qui les recélait. Ces armes et ustensiles ont-ils été trouvés dans les terrains vraiment diluviens, à côté des os vraiment fossiles ? N’y sont-ils pas arrivés par des déchirures accidentelles dans les diverses couches ? Une telle manière de voir n’est-elle pas réfutée par l’abondance singulière avec laquelle ces