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objets sont répandus dans leurs gisemens ? Ou bien, admettant l’authenticité des terrains, ne se méprend-on pas sur le caractère de ces silex ? N’y a-t-il pas un simple jeu de la nature dans ce que l’on prend pour le travail de la main humaine ? La question est posée ; les pièces du procès s’accumulent, et désormais le jugement ne tardera pas beaucoup à intervenir.


III.


Toute récente qu’elle est, la paléontologie exerce une influence considérable sur les conceptions générales ; nécessairement elle modifie les doctrines, et par les doctrines la raison collective. Ces modifications sont dans la direction que les sciences depuis l’origine ont suivie ; elles ne contrarient rien ; elles confirment tout, prolongeant jusque dans des âges qui semblaient fermés aux regards les recherches positives et les inductions. Dès l’abord il fallut, à cette lumière inattendue, remanier ce qui se disait du commencement des choses ; il fallut faire place, dans le temps et dans l’espace, à cette infinité de formes végétales et animales qui se sont succédé sur la terre. Tant que l’on a cru que végétaux et animaux étaient, si je puis parler ainsi, superficiels et ressemblaient à une semence jetée sur des sillons, l’esprit humain d’alors s’est senti à l’aise pour imaginer les formations primordiales et leur scène antique ; mais autre est la condition de l’esprit humain d’aujourd’hui, et, pour concevoir, il est resserré dans des limites plus étroites. Il ne peut, comme cela était si facile jadis, détacher la terre des êtres vivans qui l’habitent. Entre les couches solidifiées qui reposent sur le feu central et la superficie, il est une série d’étages qui ont chacun sa flore et sa faune. La vie s’y montre partout, non quelque chose d’absolu, mais quelque chose de relatif et de soumis aux circonstances et aux propriétés des milieux. À mesure qu’on descend dans des couches plus profondes, on trouve des êtres de plus en plus différens de ceux qui appartiennent à notre âge. Dès que la terre est assez refroidie, le sol assez consolidé, l’atmosphère assez épurée pour que les combinaisons organiques puissent se produire, elles se produisent ; mais aussi, à la moindre mutation qui survient dans ce vaste corps, elles sont détruites, à peu près comme ce géant de l’Enéide qui, enseveli sous l’Etna, ébranle toute la Sicile au moindre changement de position :

.....Quoties fessum mutet latus, intremere omnem
Murmure Trinacriam, et cœlum subtexere fumo.


Mais aussi il en renaît d’autres : le terrain a changé, la température