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jour, le bruit était arrivé à Rome que les Suisses avaient battu les Français. Des feux de joie avaient célébré cette victoire, que Léon X avait annoncée lui-même avec allégresse à Marino Giorgi, ambassadeur de la république de Venise, dont les troupes combattaient à côté des troupes de François Ier. Le lendemain, l’ambassadeur vénitien, ayant reçu des lettres qui l’instruisaient au contraire de l’entière défaite des Suisses par les armées combinées de la France et de la république, se rendit au Vatican avec un nombreux et brillant cortège. Le pape, qui se levait tard, était encore au lit. Tiré de son sommeil par cette visite inusitée qui le jetait dans la surprise et l’inquiétude, le pontife sortit précipitamment de sa chambre à moitié habillé. « Saint père, lui dit l’ambassadeur de Venise, hier votre sainteté me donna une nouvelle mauvaise et fausse; aujourd’hui je vous en apporte une bonne et vraie. » Il lui montra en même temps les lettres qu’il avait reçues de la seigneurie de Venise. Certain de ce grand revers, Léon X dit avec effroi : «Qu’adviendra-t-il de nous et de vous aussi ? — Quant à nous, répondit Marino Giorgi, nous sommes avec le roi très chrétien, et votre sainteté n’a rien à craindre de lui non plus que le saint-siège. N’est-il pas le fils aîné de l’église? — Nous verrons, ajouta Léon X, ce que fera le roi de France; nous nous mettrons entre ses mains en demandant miséricorde[1]. » Ne s’opiniâtrant pas dans la lutte après Marignan, comme l’avait fait après Ravenne l’inflexible Génois qui l’avait précédé sur le trône pontifical, le souple Florentin lit un moment céder ses sentimens à ses craintes. Avec une résignation habile, il changea d’alliance, et mit toute son adresse à rendre moins dangereuses pour l’Italie les suites de cette défaite, à en tirer même profit pour le saint-siège. Il alla au-devant de François Ier jusqu’à Bologne, et conclut avec lui la paix la plus avantageuse.

En retour de son amitié, et au besoin de son assistance, il obtint du successeur de saint Louis et de Charles VII le fameux concordat qui détruisit définitivement le système électoral établi par le concile de Latran au XIIe siècle, renouvelé par le concile de Bâle au XVe, consacré par la pragmatique sanction de Bourges comme la règle de l’église de France, dont les dignités et les richesses furent désormais à la merci du roi et du pape. Il persuada au vainqueur de Marignan de ne pas entreprendre la conquête de Naples, le décida à soutenir l’autorité des Médicis dans Florence et à déposséder le duc d’Urbin, François-Marie de La Rovère, dont l’état serait donné, sous la suzeraineté du saint-siège, à Lorenzino, neveu de Léon X.

  1. Relazione di Roma di Marino Giorgi 17 marzo 1317, — dans Alberi, Relazioni degli ambasciatori veneti al senato, seria IIe, vol. IIIe, p. 43-44. Firenze 1846.