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toires en litige et la prépondérance politique, objet de leur commune ambition, ils se disputèrent auparavant, avec opiniâtreté, l’utile amitié du roi d’Angleterre et du pape. Par la séduction des flatteries comme par l’appât des avantages, ils s’efforcèrent l’un et l’autre de gagner l’orgueilleux et avide Henri VIII, l’inconstant et intéressé Léon X. Le premier avait toujours un pied à terre en France, où il possédait la ville fortifiée de Calais et le comté de Guines. Comme ses prédécesseurs l’avaient fait tant de fois et comme il l’avait fait récemment lui-même, il pouvait envoyer une armée dans ce port abrité, d’où elle débarquerait sans obstacle sur le continent, et marcherait, soit contre la Flandre, soit contre la Picardie, selon qu’il serait l’allié de François Ier ou de Charles-Quint. Le second disposait de l’Italie centrale. En sa double qualité de pape et de chef de la maison de Médicis, il régnait sur les états du saint-siège, et il dirigeait la république de Florence. Avec les forces pontificales et toscanes qu’il porterait au nord ou au sud de l’Italie suivant qu’il s’unirait à Charles-Quint ou à François Ier, il lui était facile d’expulser les Français de la Lombardie, ou les Espagnols du royaume de Naples. François et Charles, comprenant combien il importait à chacun d’eux d’avoir pour lui le roi d’Angleterre et le souverain pontife, n’oublièrent rien afin de les entraîner dans leurs inimitiés et dans leurs projets. Ils engagèrent une lutte diplomatique aussi animée qu’avait été ardente la lutte électorale pour la couronne de l’empire, et que devait être opiniâtre la lutte militaire pour la prépondérance conti4entale.


II.

Léon X, qui avait été fait prisonnier à la bataille de Ravenne comme légat de Jules II, ennemi acharné de Louis XII, avait continué, comme pape, la politique nationale de son belliqueux prédécesseur ; mais il s’était montré moins hardi et surtout moins constant que lui dans le dessein de soustraire tour à tour l’Italie aux Français et aux Espagnols. Avec le patriotisme d’un vieil Italien et l’ambition d’un souverain pontife de ce temps, il avait la timidité cauteleuse, la mobilité intéressée et l’artificieux caractère d’un Médicis. Il s’était joint d’abord à la ligue armée qui voulait fermer à François Ier l’entrée du Milanais, d’où avait été expulsé Louis XII, et il avait ensuite refusé au roi Charles l’investiture du royaume de Naples, dont les papes étaient suzerains. Il n’avait pu empêcher ni le retour victorieux des Français dans la Lombardie ni le maintien des Espagnols dans l’Italie inférieure. Vaincu à Marignan, il avait été atterré par cette défaite. Lors de cette rude bataille, restée indécise le premier