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flottaient les insignes des princes et des seigneurs composant la brillante escorte du roi. Au milieu s’élevait la tente royale, plus grande et plus haute que les autres, surmontée d’une statue d’or de saint Michel que faisaient étinceler au loin les rayons du soleil, dont la lumière rendait plus splendide encore cet élégant amas de tentes dorées et de pavillons argentés[1].

Rien ne fut égal en éclat à cette réunion des deux rois et des deux cours au camp si bien nommé du Drap-d’Or. Il y eut des deux parts un assaut de magnificence. Peut-être même chercha-t-on encore plus à s’éblouir qu’à se plaire, et l’étiquette nuisit-elle à la cordialité. Arrivés le Ier juin 1520, l’un à Calais, l’autre à Ardres, Henri VIII et François Ier s’envoyèrent visiter mutuellement par les personnages les plus considérables de leur conseil et de leur cour. Six jours se passèrent en négociations pour régler leur rencontre. Tout fut enfin arrangé avec un soin aussi défiant que minutieux, et comme s’il y avait eu à craindre et à empêcher quelque trahison. Il fut convenu que, sorti du château de Guines, où il s’était transporté le 5 juin, Henri VIII irait au-devant de François Ier, qui, de son côté, parti du château d’Ardres, s’avancerait vers Henri VIII jusqu’à un point marqué de son territoire.

Le mercredi 7 juin, les rois de France et d’Angleterre, montés sur de grands coursiers, vêtus le premier de drap d’or, le second de drap d’argent, parsemés de perles, de diamans, de rubis et d’émeraudes, la tête couverte d’une toque de velours resplendissante de pierreries, et que relevaient en flottant de magnifiques plumes blanches, se mirent en route à la même heure et du même pas. Leurs connétables les précédaient, l’épée nue à la main, et les seigneurs de leur cour, dans de somptueux costumes, leur servaient de cortège. Chacun d’eux était suivi de quatre cents archers ou hommes d’armes composant sa garde. Ils descendirent ainsi les deux coteaux qui, par une pente insensible, conduisaient dans l’agréable plaine du Valdoré, où avait été dressé un pavillon pour les recevoir. Ils ressemblaient à deux chevaliers marchant au combat plutôt qu’à deux princes allant à une entrevue politique. Leur escorte ne dépassa point une certaine distance où elle fit halte, et d’où elle parut veiller de loin sur eux, sans que les archers anglais s’approchassent trop du roi de France, ni les hommes d’armes français du roi d’Angleterre. Un peu avant de se joindre, Henri et François piquèrent leurs coursiers, qu’ils arrêtèrent avec la sûreté et la grâce de deux des plus habiles cavaliers du monde lorsqu’ils se trouvèrent côte à côte. Portant alors l’un et l’autre la main à leur toque, ils se saluèrent

  1. Montfaucon, t. IV, p. 164, 165.