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de troupes. Le duc de Najera, qui en était gouverneur, avait envoyé la plus grande partie des soldats espagnols, avec lesquels il gardait ce royaume mal disposé pour ses nouveaux maîtres, aux régens d’Espagne[1], afin de renforcer l’armée des cavalleros, prête à en venir aux mains avec l’armée des comunidades.

Une vaste insurrection avait éclaté dans le royaume de Castille et de Léon après le départ de l’empereur pour l’Angleterre et pour l’Allemagne. Elle avait des causes anciennes et profondes dans les procédés et les abus d’une administration arbitraire et cupide; elle trouva une occasion dans le subside voté contre toutes les règles par les certes de La Corogne. De Tolède, où elle avait commencé, la révolte s’était rapidement étendue à Ségovie, à Médina del Campo, à Madrid, à Salamanque, à Avila, à Cuença, à Guadalajara, à Zamora, à Murcie, à Toro, à Léon, à Burgos, à Palencia, à Valladolid même, siège du gouvernement royal[2]. Partout on avait pris les armes, chassé les corrégidors du roi, ôté les verges de la justice à ses alcades, occupés de vive force les alcazars des villes, tenus par des délégués de la couronne ou par des membres de la noblesse. Le régent Adrien avait vainement essayé d’arrêter l’insurrection. Les juges et les soldats qu’il avait envoyés devant Ségovie et devant Médina del Campo avaient été également repoussés. La justice royale avait succombé sous la rébellion obstinée de Ségovie, l’armée royale s’était brisée contre la valeureuse résistance de Médina, et bientôt même l’autorité royale avait été suspendue dans Valladolid.

Après leur soulèvement et leur victoire, les villes s’étaient concertées afin de régler leurs droits et de les accroître. Elles avaient nommé une junte et formé une armée. La junte, assemblée d’abord à Avila, s’était ensuite transportée à Tordesillas, où résidait la reine Jeanne, qu’elle avait placée, malgré sa folie, à la tête de la comunidad. Prononçant alors la dissolution du conseil laissé par Charles-Quint, dont l’autorité cessait au moment où était rétablie celle de sa mère, la junte en avait saisi ou dispersé les membres et elle avait chassé de Valladolid le régent Adrien, qui s’était réfugié à Médina de Rio-Seco sans y exercer aucun pouvoir, sans y disposer d’aucune force.

La junte de Tordesillas, maîtresse des Castilles, agissant en assemblée souveraine, avait dressé une véritable charte des droits du royaume. Dans ce code des libertés comme du gouvernement des Castilles, des articles pourvoyant à la situation particulière du pays, ainsi qu’à ses besoins généraux, supprimaient le dernier servicio, exigeaient le retour du roi, prononçaient l’exclusion des étrangers

  1. Sayas, c. XXIX, p. 209. — Sandoval, lib. IX, § VII, et lib. X, § V.
  2. Sandoval, lib. v, § xxxi à liv, et lib. VIe § I à XVII. — Historia del Levamiento de las comunidades, etc., c. III, p. 48 à, 81.