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de tout emploi public, déterminaient la nature et la quotité des taxes, rétablissaient dans son ancien état le domaine royal, appauvri par des aliénations avantageuses à la noblesse, onéreuses au peuple, réformaient l’exercice de la justice, soit devant les tribunaux des alcades, soit devant les cours des audiences, soit devant le conseil royal de Castille. Ils ôtaient les corrégidors des villes, rétablies dans toutes leurs franchises, interdisaient l’accroissement de la noblesse par la concession de nouveaux titres, réduisaient la prérogative de la couronne en matière d’impôt, d’aliénation du domaine, de suspension de justice, d’extension de privilèges, donnaient une existence indépendante aux cortès, qui s’assemblaient de droit tous les trois ans, et sans l’adhésion desquels aucune loi ne pouvait être faite, aucune bulle introduite dans le royaume, dont les membres, librement élus par les villes dans les trois ordres du clergé, de la noblesse, des communes, ne recevraient des instructions que de leurs commettans, et n’accepteraient ni emploi ni faveur de la couronne. Ces capitulas del reyno[1], comme les appelait la junte, étaient érigés en loi fondamentale et perpétuelle. Ni le roi ni les cortès ne pouvaient les changer, et ils devaient former un contrat inviolable entre le prince et la nation. Ce contrat était imposé à Charles-Quint comme la condition du retour des villes sous son obéissance.

Avant qu’il connût ces exigences populaires, Charles-Quint avait pris son parti. Instruit de la gravité et de l’étendue des troubles qu’avait provoqués le vote du dernier subside et que n’avait pu réprimer un régent étranger, il avait pensé qu’il fallait recourir à des moyens capables d’apaiser les villes soulevées et de gagner la noblesse mécontente. Il résolut donc de renoncer à la levée du servicio, de confier l’administration du royaume aux membres les plus puissans de la grandesse, de rétablir les impôts sur l’ancien pied, de promettre qu’il gouvernerait l’Espagne selon ses vieilles lois. C’était enlever aux insurgés leurs griefs et procurer le secours des grands et des cavalleros à la royauté, autrement isolée et impuissante. Il associa à la régence d’Adrien le connétable de Castille don Inigo de Velasco et l’amiral don Fadrique Henriquez. En même temps qu’il envoya à ces deux premiers officiers de la couronne, qui étaient au nombre des plus opulens seigneurs du pays, les pouvoirs de régent, il leur annonça les résolutions prudentes qu’il avait prises, les chargea de les faire connaître à l’Espagne troublée, et d’y ramener la soumission en attendant qu’il pût y retourner après avoir été couronné à Aix-la-Chapelle et avoir pourvu aux besoins de l’empire d’Allemagne[2].

  1. Ils sont dans Sandoval, lib. VII. § I, p. 311 à 338.
  2. Lettres de l’empereur au connétable, à l’amiral et aux villes du royaume, dans Sandoval, lib. VII, § III.