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Cédant aux instances de l’empereur, Wolsey partit le 12 août de Calais, et se rendit auprès de lui à Bruges. Là, réglant les conditions de l’alliance entre Charles-Quint et le roi d’Angleterre, il stipula même l’indemnité pécuniaire que Henri VIII recevrait du roi catholique en dédommagement des sommes annuelles que lui ferait perdre sa rupture avec François Ier. L’empereur aurait voulu que cette rupture fût immédiate, mais le roi d’Angleterre, naguère si pressé de se joindre à lui pour attaquer le roi de France, était alors disposé à différer sa déclaration de guerre. Avant de rien entreprendre pour recouvrer la Guienne et les provinces qui étaient autrefois de son héritage, il croyait avantageux d’attendre que les forces et les finances de François Ier se fussent épuisées dans sa lutte avec Charles-Quint[1]. Seulement l’union la plus étroite fut conclue entre les deux princes, et l’on convint que l’empereur épouserait la fille de Henri VIII, qui commencerait les hostilités contre François Ier aussitôt après que Charles-Quint, retournant en Espagne, l’aurait visité en Angleterre[2].

De retour à Calais, Wolsey reprit les négociations menteuses qui semblaient l’avoir conduit à Bruges. Il annonça aux ambassadeurs de François Ier qu’il n’avait rien obtenu de l’empereur, à la cour duquel on l’accusait « d’être tout Français[3]. » Il dit qu’on lui reprochait « de conduire seul les affaires du roi son maître, et de lui faire abandonner ses droits à la couronne de France. » Il ajouta qu’à cette cour on ne voulait plus entendre parler du traité de Noyon, et il prétendit avoir déclaré à l’empereur que le roi d’Angleterre ne souffrirait jamais qu’il envahît le duché de Milan. Afin de mieux les tromper, il parlait fort mal de Léon X, qui, après avoir trahi secrètement François Ier, venait de l’attaquer ouvertement dans la Lombardie, de concert avec l’empereur. « Le pape voudrait, disait-il, qu’on chassât tous les étrangers de l’Italie, et que, par les mains des uns, on pût jeter les autres dehors. » Déclarant alors que le désaccord entre les deux monarques était trop grand pour rendre la paix possible, il soutint qu’il fallait se réduire à une simple trêve.

Cette trêve, proposée par le cardinal d’York, aurait permis à l’empereur, au pape, au roi d’Angleterre, de mieux préparer encore leurs moyens d’attaque contre François Ier, soit en Italie, soit en France. Avec sa fourberie effrontée, le cardinal d’York la présentait

  1. Cette politique est très curieusement exposée dans une longue lettre de Wolsey à Henri VIII, imprimée dans le t. Ier des State Papers, p. 89 et 90.
  2. Lettres de Wolsey à Henri VIII du 19 août. (Stat. Pap. I, 38.) — De Pace à Wolsey du 24 août. (Ibid., p. 40.) — Du 15 sep. Ibid., p. 54.
  3. Dépêche du chancelier Du Prat et de Selve à François Ier. Mss. Béthune, vol. 8,492, fol. 76 et suivans.