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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/296

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à Du Prat comme un acheminement infaillible à un accord définitif. « Je me soumets, disait-il au chancelier de France, à avoir la tête tranchée, si dans un demi-an je ne mène pas le roi catholique à la paix[1]. » Après de nouveaux et longs pourparlers, dans lesquels chacune des parties garda sa position sans céder d’un pas, insista sur ses griefs sans en abandonner aucun, Wolsey déclara que la question de savoir lequel des deux princes avait le premier rompu les traités était si douteuse, que jamais le roi d’Angleterre ne pourrait décider à qui il devait accorder son assistance[2]. Il se contenta de poursuivre la trêve militaire que semblaient réclamer dans ce moment les affaires en péril de l’empereur.

François Ier avait enfin assemblé une puissante armée sur la frontière du nord. Il avait marché au secours de Mézières, que le chevalier Bayard défendait depuis plus d’un mois avec une habileté opiniâtre et une valeur ingénieuse contre le comte de Nassau et Franz de Sickingen. A son approche, les généraux de l’empereur, qu’avait divisés le peu de succès de leur entreprise, abandonnèrent le siège et battirent en retraite[3]. Afin d’empêcher l’armée française de secourir Tournai, ils se dirigèrent du côté de l’ouest vers Valenciennes, où Charles-Quint, parti de Bruges après s’être entendu avec Wolsey, devait se mettre à leur tête. François Ier, ayant dégagé Mézières et repris Mouzon, les suivit dans cette direction. Il s’empara sur sa route de Bapaume et de Landrecies, qu’il fit raser, et il fut bientôt dans le voisinage de son ennemi. Ses troupes nombreuses, animées, confiantes, étaient fortes de vingt-six mille hommes de pied, de quinze cents hommes d’armes, formant plus de huit mille chevaux, et elles avaient douze pièces d’artillerie. Postées au-dessous de Happre, entre Cambrai et Valenciennes, elles étaient séparées par l’Escaut des troupes de l’empereur, qui leur étaient inférieures. François Ier était un vaillant soldat, mais il était un général incertain; il savait bien mieux se battre que commander. Hors d’état de décider et de conduire les opérations militaires, il ne choisissait même pas habilement ceux qui devaient les diriger pour lui. Il avait remis le commandement de l’avant-garde à son beau-frère, le duc d’Alençon, en plaçant à ses côtés le maréchal de Châtillon, qui était un guide trop circonspect pour un prince aussi irrésolu. Ce commandement appartenait de droit au connétable de Bourbon, que

  1. Du Prat à François Ier, mss. Béthune. — Wolsey écrivait en même temps à Henri VIII, en parlant des commissaires français : « Ils n’ont aucun soupçon des choses conclues avec l’empereur. » 4 sept. "Mus. brit. Gallia, B. VII, p. 51.
  2. Du Prat à François Ier, 7 sept., mss. Béthune, 8,492, fol. 56, § 99.
  3. Histoire du chevalier Bayard, t. XVI, p. 111 à 118. — Du Bellay, t. XVII, p. 313 à 318.