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tyrannie de leur chef avait soulevée, et que son imprévoyance ne sut pas défendre.

Lautrec, après avoir laissé garnison dans la citadelle, évacua la ville. Il battit en retraite vers Como, qu’il perdit bientôt également, et, avec les débris de son armée, il se réfugia sur les terres des Vénitiens. Sauf le château de Milan, bien approvisionné et difficile à prendre, sauf aussi les places fortes d’Alexandrie, de Novare, de Domodossolla, d’Arona dans la Haute-Lombardie, de Pizzighitone et de Crémone sur l’Adda, le Milanais tout entier fut enlevé à François Ier après une assez longue et non moins inhabile possession. Lodi, Pavie, Parme, Plaisance, suivirent l’exemple de Milan et se rendirent aux confédérés.


IX.

Cet événement si désastreux pour les armes comme pour la domination de François Ier en Italie était survenu le 19 novembre. Avant que la nouvelle en fût arrivée à Calais, les conférences poursuivies jusque-là dans cette ville s’étaient terminées aussi à l’avantage de Charles-Quint. Pendant longtemps Wolsey avait proposé une trêve inacceptable. Son opiniâtre partialité voulait la rendre très favorable à l’empereur, qu’elle aurait dégagé des périls auxquels il avait été un moment exposé, et tout à fait désavantageuse au roi de France, qu’elle aurait arrêté dans ses succès en l’obligeant de plus à restituer tout ce qu’il avait pris. François Ier l’avait nettement refusée. Il soumettait la suspension d’armes à des conditions qui devaient le laisser ou le rendre tranquille possesseur de la Lombardie[1], et que l’empereur rejetait à son tour[2]. Aussi le 18 novembre, la veillé même de l’entrée des confédérés dans Milan, François Ier disait-il aux ambassadeurs d’Angleterre avec une fière résolution que ne secondait déjà plus la fortune : « l’empereur n’a mis tant de délais à la trêve que parce qu’il espérait enlever Tournai, s’emparer de la Bourgogne, et de là s’allier aux Suisses. Puisque je suis l’ennemi de l’empereur, je veux être son ennemi le plus terrible[3]. » Quatre jours après, le 22 novembre, la conférence de Calais prenait fin. Le surlendemain, la médiation trompeuse d’Henri VIII faisait place à une ligue offensive contre la France.

  1. Dépêches de Fitzwilliam du 21 octobre, du comte de Worcester et de l’évêque d’Ely du 27 octobre, dans Bréquigny, vol. 88.
  2. Lettres de Charles-Quint à Wolsey écrites d’Audenarde le 14 et le 16 novembre 1521. Musée britannique. Galba, B. VII, fol. 143, et B. IV, fol. 144.
  3. Lettre du comte de Worcester et de l’évêque d’Ely à Wolsey du 18 novembre 1521, dans Bréquigny, vol. 88.