Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette ligue, véritable but de la mission de Wolsey, fut conclue entre le pape, l’empereur et le roi d’Angleterre. Dès longtemps Girolamo Ghinuccio, évêque d’Ascoli, avait reçu de Léon X les pouvoirs nécessaires pour la signer en son nom. Charles-Quint en avait donné de semblables à son chancelier Gattinara et à ses autres représentans à Calais. Par le traité du 24 novembre, il fut convenu que l’empereur se rendrait en Espagne au printemps prochain, afin d’y pacifier entièrement ses sujets et de s’y pourvoir d’argent; qu’escorté à travers le canal par une flotte anglaise unie à la flotte espagnole, il aborderait soit à Douvres, soit à Sandwich, où le roi d’Angleterre irait le recevoir et d’où il le reconduirait ensuite à Falmouth ; que les trois confédérés attaqueraient de concert et à fond le roi de France au mois de mars 1523, le pape en Italie avec une armée considérable, l’empereur en franchissant les Pyrénées avec dix mille chevaux et trente mille fantassins, le roi d’Angleterre en descendant sur les côtes de Picardie avec une armée non moins nombreuse que renforceraient les troupes des Pays-Bas. Henri VIII devait se déclarer contre François Ier un mois après le passage de Charles-Quint en Angleterre, et tous les deux mettre sur pied des forces capables de résister à leur ennemi en attendant l’époque fixée pour la grande invasion de son territoire. Ils prenaient l’un et l’autre sous leur protection : dans Florence la famille des Médicis, dans Rome le pape Léon X, qui, de son côté, frapperait des censures ecclésiastiques le roi de France, mettrait ses états en interdit, chargerait l’empereur et le roi d’Angleterre de le poursuivre comme un ennemi de l’église, dont chacun d’eux deviendrait ainsi le bras séculier. Le souverain pontife accorderait en outre les dispenses nécessaires pour autoriser entre l’empereur et la princesse Marie d’Angleterre un mariage que la parenté prohibait, mais que le bien de la chrétienté rendait désirable[1].

Telles étaient les menaçantes stipulations signées secrètement à Calais. Si elles avaient été exécutées au moment convenu et avec les forces déterminées, François Ier aurait couru les plus grands dangers au cœur même de son royaume; mais l’un des trois souverains, au nom desquels elles avaient été conclues, mourut bien avant qu’elles pussent être accomplies. Léon X n’eut pas même le temps d’apprendre la formation de cette ligue, objet de son ardente poursuite. Ce pape, entreprenant avec des dehors de faiblesse, hardi

  1. Le texte du traité en quinze articles est dans les archives de Lille, où sont aussi les pouvoirs antérieurement donnés pour le conclure aux ambassadeurs de Léon X, de Charles-Quint et d’Henri VIII. — Le Glay, Négociations diplomatiques, etc., vol. II, p. 585, not. 3. — L’extrait de ces articles est donné dans Herbert, the Life and raigne of king Henry the Eighth, in-4o, London, 1649, p. 117, 118 et 119.