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de point de départ commun à deux vents de directions diamétralement opposées, de sorte que si l’air ainsi enlevé à cette zone n’était pas remplacé, il s’y produirait une raréfaction atmosphérique indéfinie, dont le résultat serait la cessation de ces vents faute de l’alimentation nécessaire : ce serait l’inverse de l’accumulation dont nous venons de parler pour les calmes équatoriaux. En un mot, dès le début, nous voyons que le système de vents constaté par l’observation à la surface du globe implique, comme complément indispensable, l’existence de courans aériens dans les régions supérieures de l’atmosphère, sans quoi ce système aurait inévitablement pour résultat d’amener la masse de l’air qui nous entoure aux pôles et à l’équateur, en en dépouillant les régions intermédiaires.

Pour bien exposer ce que sont ces courans supérieurs dans le vaste ensemble conçu par Maury, nous prendrons une molécule atmosphérique, et nous la suivrons dans le parcours entier de son trajet. Supposons-la, par exemple, soufflant à la surface du globe comme alizé de l’hémisphère sud, c’est-à-dire du sud-est vers le nord-ouest. Elle arrivera ainsi dans la zone des calmes équatoriaux, y montera dans les régions supérieures de l’atmosphère, passera dans l’hémisphère nord, et se dirigera alors du sud-ouest vers le nord-est, suivant un courant supérieur et de direction contraire aux alizés de ce dernier hémisphère. Parvenue à la zone des calmes du Cancer, elle descendra des régions supérieures et continuera à la surface du globe, mais sans changer de direction, son trajet vers le pôle nord : elle nous représentera alors les vents généraux du sud-ouest, que nous avons signalés dans ces régions. Or, de même que toutes les molécules analogues constituant par leur réunion ces vents généraux, notre molécule s’approchera ainsi du pôle suivant une spirale dont les contours iront en se resserrant de plus en plus. Ce mouvement dégénérera donc au pôle en un véritable tourbillon[1] dont le centre présentera une région de calmes plus ou moins

  1. Nous signalerons ici une coïncidence extrêmement remarquable. Une des découvertes les plus utiles dont la navigation ait été dotée dans ces dernières années est celle de la théorie des ouragans circulaires, due à MM. Reid et Piddington. D’après eux, ces terribles coups de vent, si redoutés dans les mers de Chine par exemple sous le nom de typhons, seraient formés d’un immense tourbillon atmosphérique, d’un diamètre de cent lieues et même plus, et posséderaient, outre ce mouvement gyratoire, un mouvement de translation qui leur ferait parcourir un trajet dont l’étendue plus ou moins considérable traverse parfois tout un océan ; on peut, pour se servir d’une idée familière à tous les esprits, comparer le double mouvement de ces ouragans à celui d’un valseur. Or, dans le système de circulation de Maury, pour des observateurs placés aux pôles, le tourbillon du pôle nord tourne de droite à gauche, c’est-à-dire inversement aux aiguilles d’une montre, comme les ouragans circulaires de l’hémisphère nord, et le tourbillon du pôle sud tourne au contraire dans le sens des aiguilles d’une montre, de gauche à droite, comme les ouragans de l’hémisphère austral.