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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/428

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raisonnement, et nulle confirmation directe ne semble au premier abord pouvoir venir à l’appui de cette circulation, ni surtout de ces croisemens des courans inférieurs et supérieurs dans les zones de calmes. C’est pourtant une preuve de ce dernier genre, c’est-à-dire véritablement tangible et matérielle, qu’il nous reste à donner, et nous la trouverons dans un phénomène extrêmement curieux, depuis longtemps signalé par les navigateurs, celui de pluies de poussière fréquemment observées en divers points de l’hémisphère nord, aux îles du Cap-Vert, à Gênes, à Malte, etc. Supposons un instant qu’il soit possible d’étiqueter certaines portions déterminées des alizés austraux ; il est clair que si plus tard on retrouvait cet air ainsi étiqueté aux différens points que nous venons de nommer, il y aurait là plus qu’une simple présomption en faveur du passage des alizés d’un hémisphère dans l’autre. Eh bien, c’est précisément la conclusion qui ressort des belles expériences microscopiques d’Ehrenberg, lequel a reconnu, par l’étude de nombreux spécimens, que la poussière de ces pluies était entièrement composée de débris d’infusoires et de matières organiques provenant des régions de l’Amérique méridionale balayées par les alizés du sud-est. Les vents de surface, qui dans l’hémisphère nord soufflent vers l’Amérique, c’est-à-dire les alizés du nord-est, ne peuvent évidemment pas amener ces débris là où on les recueille, et seuls, au contraire, les alizés du sud-est peuvent les y avoir transportés, en passant dans l’hémisphère nord sous forme de courant supérieur dirigé du sud-ouest au nord-est, au-dessus des alizés nord-est, puis en soufflant à la surface de cet hémisphère comme vents généraux du sud-ouest. En un mot, le trajet que nous avons indiqué donne la seule explication rationnelle du phénomène.

D’autres confirmations, moins directes, mais non moins remarquables, méritent d’être signalées, car la connaissance des lois qu’on vient d’exposer permet de déterminer, en termes généraux, le trajet antérieur des vents qui soufflent en tel ou tel point du globe, et d’apprécier par suite leur plus ou moins d’humidité par la portion de surface liquide comprise dans ce trajet. C’est ainsi que l’on voit en Europe et en Asie les vents généraux de sud-ouest de l’hémisphère nord, par exemple, pluvieux lorsqu’ils correspondent à ceux des alizés austraux qui passent sur l’Océan, et secs lorsque ces alizés n’ont au contraire passé auparavant que sur les déserts d’Afrique[1]. De même, si nous envisageons la portion d’alizés du nord-est, dont le trajet présente un maximum d’évaporation, c’est-à-dire la plus grande étendue possible de surface liquide, si nous suivons cette

  1. La règle est simple : un pays situé au nord des calmes du Cancer, par exemple, recevra peu ou beaucoup de pluie, suivant que la région alizée australe située dans le sud-ouest présentera beaucoup ou peu de superficie de terre sèche.