Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

enlevée à ces mers sous forme de vapeur, et qu’une égale quantité leur soit ailleurs restituée sous forme de pluie, d’où résulteraient pour chaque période de vingt-quatre heures l’évaporation et la précipitation successives de 1,062 kilomètres cubes de pluie. Que l’on se figure un carré d’environ 33 kilomètres de côté, duquel serait enlevée chaque jour une couche d’eau de 1 kilomètre d’épaisseur ; que l’on se figure aussi chaque jour l’opération inverse venant jeter une égale masse liquide en un autre point de ce vaste océan, — et l’on pourra se faire une idée de la puissante action dont nous étudions l’influence sur la production des courans. Il est inutile d’ajouter que cette action n’est pas concentrée et localisée comme nous l’avons représentée pour rendre le raisonnement plus sensible, car elle donnerait ainsi naissance à des courans dont la violence s’opposerait à toute navigation, tandis que, répartie comme elle l’est en réalité sur une surface trois cent mille fois plus grande, elle ne produit dans l’Océan qu’une circulation dont la vitesse modérée sera pour le marin un auxiliaire précieux, lorsqu’il en aura acquis une connaissance qui lui manque aujourd’hui.

On peut présenter ces calculs sous une autre forme qui s’adressera peut-être encore plus vivement à l’imagination, et pour cela nous laisserons la parole à Maury. « La surface de l’Atlantique, dit-il, est d’environ 65 millions de kilomètres carrés. Supposons que sur le cinquième de cette surface il vienne à tomber une couche de pluie de 25 millimètres d’épaisseur ; cette pluie ne pèsera pas moins de 360 millions de tonneaux, et le sel qu’elle renfermait avant d’avoir été enlevée à l’Océan sous forme de vapeur, sel qui, ainsi laissé en excès après l’évaporation, a dû contribuer à troubler l’équilibre océanien, ce sel, dis-je, pèse 16 millions de tonneaux, c’est-à-dire près du double de ce que pourraient porter tous les navires réunis de notre globe ! Que cette pluie tombe en un jour ou en une heure, toute l’immense quantité de force ainsi produite sera employée à détruire l’équilibre de l’Océan, et concourra par suite à l’entretien de son système de circulation. Si l’eau que, dans le cours entier d’une année, le Mississipi amène à la mer y était instantanément précipitée en une seule masse, la perturbation qui en résulterait ne serait pas plus considérable que celle produite par la pluie que nous avons supposée. Or cette pluie, nous ne l’avons fait tomber que sur le cinquième de l’Atlantique, et l’Atlantique lui-même n’est guère que le cinquième de la surface des mers du globe. De plus, nous n’avons donné à notre couche pluviale que 25 millimètres d’épaisseur, tandis que sa hauteur moyenne annuelle pour tout le globe est de 1m50. Supposons-la toutefois seulement de 0m75 pour l’Océan, c’est-à-dire pour la surface liquide du globe : il en résultera que la perturbation que nous venons d’évaluer se reproduira sept cent-cin-