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pas une parole qui ne soit l’expression de la bonne foi la plus absolue, et si jamais écrivain s’est involontairement peint dans ses œuvres, c’est celui-ci. Pour moi, je l’avoue, il me semble impossible de lire la Géographie de la Mer sans être pénétré de la plus profonde admiration, j’allais dire vénération, pour le caractère de l’auteur : spectateur passionné des merveilles de la nature, s’il se laisse parfois entraîner par son enthousiasme, on sent que cet enthousiasme est aussi sincère que la conviction qui l’a inspiré. À chaque page rayonne ardemment la recherche du vrai, à chaque ligne se révèle le culte de la science, et si parfois l’individualité de l’auteur se fait jour à son insu, ce n’est que dans la noble conscience qu’il a d’avoir été utile à ses semblables.

Un autre trait remarquable de Maury est le caractère essentiellement religieux dont il a empreint son œuvre. Je ne veux point parler ici de ses allusions fréquentes aux textes sacrés, non plus que des interprétations curieuses qu’il en donne[1] ; c’est là, on le sait, un cachet distinctif du génie protestant, tandis que ce que je veux signaler n’appartient à aucune forme particulière de culte, ou pour mieux dire leur est commun à toutes. Son étude assidue des phénomènes de la nature n’est en effet qu’une manifestation constante de sa gratitude envers la suprême sagesse qui y préside, et dans chaque fait nouveau il voit une nouvelle révélation de l’harmonie universelle. Ce n’est pas que Maury ait en cela l’idée de faire particulièrement servir ses travaux à l’avancement de la foi, car à ses yeux la science et la religion sont unies par des liens si indissolubles, que l’une ne peut se développer que pour faire mieux comprendre l’autre ; mais cette tendance de son esprit mérite d’être signalée, parce que, s’il n’est pas rare de voir les écrivains purement religieux puiser leurs argumens dans la science, il l’est beaucoup plus de voir un écrivain scientifique mêler à ses doctrines des considérations que l’on regarde volontiers aujourd’hui comme d’un ordre différent.

Que dire maintenant de la forme du livre de Maury ? Sans admettre avec quelques esprits exclusifs la supériorité absolue de notre langage scientifique, on doit pourtant reconnaître que, soit par l’effet d’une meilleure direction donnée à l’éducation intellectuelle, soit

  1. C’est ainsi que Maury retrouve dans deux versets de l’Ecclésiaste, souvent cités, le système de circulation atmosphérique qu’il a développé, et l’une des preuves les plus importantes dont il l’a accompagné :

    « Le vent va vers le midi, et tourne vers le nord ; il tourne çà et là, et revient à ses circuits.

    « Tous les fleuves vont en la mer, et la mer n’en est point remplie ; les fleuves retournent au lieu d’où ils étaient partis pour revenir en la mer. » (Chap. i, vers. 6 et 7.)