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attendait tant de résultats[1]. Revenu aux États-Unis avec la satisfaction d’avoir pleinement recueilli le prix de sa rare persévérance, il put définitivement asseoir son œuvre sur les larges bases qu’il avait adoptées. Les matériaux lui arrivèrent en foule, son atlas se compléta, les cartes qui le composaient se répandirent à profusion, les éditions de son livre se succédèrent rapidement, et son cadre agrandi permit à l’auteur d’y développer, à côté de considérations purement nautiques, nombre de questions physiques du plus haut intérêt.

De toutes les marines étrangères, celle d’Angleterre devait être des premières à s’enrôler dans l’entreprise, et c’est ce qui eut effectivement lieu. Lors de son passage par ce pays, en se rendant au congrès de Bruxelles, Maury avait reçu dans les grands centres maritimes l’accueil le plus chaleureux, et il n’avait pas négligé cette occasion de se mettre en contact direct avec les principaux représentans d’une population dont le concours lui était doublement précieux, tant à cause de la conformité du langage qu’à cause de la haute position commerciale de la nation. Déjà du reste la Hollande avait aussi répondu à l’appel des États-Unis, et Maury y avait trouvé dans le lieutenant Jansen, officier de marine, un collaborateur non moins actif qu’intelligent. Puis étaient venus le Danemark, la Suède, les villes anséatiques, puis d’autres, si bien qu’aujourd’hui, c’est-à-dire quinze ans seulement après l’éclosion de la pensée-mère, l’entreprise dans laquelle s’est traduite cette pensée réunit le concours actif, avoué et protecteur de tous les gouvernemens civilisés de notre globe.

De leur côté, les chiffres confirmaient le succès de l’entreprise par la plus significative de toutes les éloquences : en moins de dix ans, les cartes de Maury s’étaient répandues au nombre de 140,000. Chaque année apportait une nouvelle édition du livre destinée à enregistrer les progrès de l’œuvre et les résultats obtenus, et chaque année des milliers d’exemplaires étaient enlevés par un public impatient. Comment expliquer un semblable succès ? Comment, en un temps relativement aussi court, un résultat si important et si com-

  1. L’esprit élevé qui a présidé aux délibérations de Bruxelles se révèle dans les paroles suivantes, que l’on est heureux de pouvoir citer : « La conférence croirait manquer à ses devoirs si elle terminait ce rapport sans tâcher d’assurer à ces observations une protection qui les mette à l’abri des chances de la guerre, et telle que la science doit en attendre de toute nation éclairée. Elle demande pour ces documens les privilèges accordés en temps de guerre aux bâtimens qui font des voyages de découvertes ou des campagnes scientifiques. Elle espère que les ardeurs de la guerre n’interrompront pas ces relations scientifiques, jusqu’à ce que l’Océan soit tout entier tombé dans le domaine des recherches philosophiques, et qu’un système d’investigations soit étendu comme un réseau sur toute sa surface, au bénéfice du commerce et de la navigation, ainsi que de la science et de l’humanité. »