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jusqu’au golfe Saint-Laurent, ils se retirèrent sur le versant occidental des montagnes, autour des lacs Ontario, Michigan, Huron, Erié. C’est dans ces régions, fertiles en gras pâturages, qu’ils continuent à se montrer supérieurs aux autres Indiens, non plus par l’humeur conquérante et guerrière, mais par la douceur des mœurs et leur aptitude à se civiliser. La population iroquoise est de 6,000 âmes. On y compte 349 adultes sachant lire, parler et écrire la langue anglaise, 841 jeunes gens fréquentant les écoles. Tous les métiers, tous les arts mécaniques sont pratiqués chez les Iroquois, qui emploient, pour cultiver 12,640 hectares de terre, 2,080 bœufs et 1,902 chevaux.

Les Dacotahs s’étendent sur les deux rives du Missouri. Leur caractère féroce n’a pas changé : ils sont toujours également rancuniers contre les blancs, également barbares envers les hommes de leur propre couleur.

Les Shoshones, qui errent autour des glaciers des Montagnes-Rocheuses, sont encore plus inhumains. Les nombreuses peuplades de l’Orégon et de la Californie n’ont pas moins d’antipathie pour les hommes civilisés. Des relations qu’elles entretiennent avec eux depuis si longtemps, elles ont retiré beaucoup de vices et pas une vertu.

Enfin dans le groupe des Algonquins sont compris une trentaine de clans nomades. Ils occupent les vastes plateaux qui s’étendent entre les grands lacs et les frontières de la Nouvelle-Bretagne. Ceux d’entre eux qui sont voisins des Iroquois semblent adopter leurs mœurs sédentaires et laborieuses. Les autres, beaucoup plus nombreux, errent dans ces espaces immenses à la poursuite des ours et des hyènes, dont ils mangent la chair et revêtent les dépouilles.

Toutes ces populations réunies s’élèvent au chiffre de 420,000 âmes Les individus qui les composent n’ont rien de commun avec les Aztecs, qui occupaient le Mexique lorsqu’il fut découvert et conquis par les Espagnols, ni avec les Péruviens, exterminés par Pizarre. Ils n’ont aucun rapport avec les Mosquitos, qui se sont si bien assouplis sous la discipline des Anglais, ni avec les Patagons, qui n’ont rien perdu de leur brutale férocité. Les tribus de l’Amérique du Nord forment une race particulière. Malgré les différences et les haines qui les séparent, elles conservent entre elles assez de traits analogues pour démontrer que leur origine est la même, et que leurs destinées ont été longtemps unies. Elles ont un fonds commun de croyances et de pratiques religieuses : même culte des morts, même passion de la guerre, même cruauté dans les combats, mêmes armes, même goût de la chasse et de la pêche, mêmes engins pour prendre les animaux, même usage d’offrir le calumet, d’immoler les prisonniers ou de les adopter. Enfin elles conservent des traditions identiques sur les anciennes vicissitudes de leur race, sur leur émigration et leur arrivée dans la vallée du Mississipi.

La plupart de ces tribus semblent condamnées à périr victimes de la civilisation qui s’établit autour d’elles. Le colonel Bouquet, qui visita, en 1764, à la tête d’une armée imposante, les soixante-dix tribus annexées aux États-Unis à l’époque de la déclaration d’indépendance, put constater qu’elles comptaient alors 283,000 âmes. D’après le nouveau recensement, ces mêmes tribus n’en possédaient plus en 1851 que 205,635. La diminution a été de plus de 77,000 âmes dans l’espace de quatre-vingt-sept ans. C’est à peu près