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observer que les ressemblances extérieures. Aujourd’hui que les savans de Philadelphie ont pénétré jusque dans le secret de leurs croyances et de leurs mœurs, levé tous les voiles, scruté tous les mystères, leur témoignage démontre que cette dénomination était juste, et que Christophe Colomb avait bien deviné.


II. — INSTITUTIONS ET MOEURS DES TRIBUS — LA FAMILLE INDIENNE. — JEUX ET CEREMONIES. — LEGENDES DU WIGWAM.

Les tribus indiennes sont constituées de tant de manières diverses, qu’elles échappent aux considérations générales. Leur principal trait de ressemblance est dans l’irrégularité même des formes qui accompagnent chez elles l’exercice de l’autorité publique. Ce sont des événemens fortuits qui font attribuer le commandement à certains hommes ou à certaines familles, mais les circonstances peuvent aussi à toute heure le leur enlever. On voit des capitaines, révérés jadis, remplacés par de plus heureux. D’autres fois c’est l’anarchie qui règne, jusqu’à ce qu’un nouveau danger vienne reconstituer un autre gouvernement, qui n’est pas moins provisoire. Le plus souvent l’autorité appartient au même homme jusqu’à sa mort, et même se transmet à son fils. Dans une tribu, chaque clan a son capitaine particulier. Lorsqu’il s’agit d’une affaire qui intéresse toute la tribu, les divers chefs se réunissent. Chez les Algonquins, ces capitaines s’appellent nosas, et lorsqu’ils font partie d’une assemblée générale, ils prennent le nom d’ogimas. Le premier de ces titres correspond à celui de père, et le second à celui de magistrat. Les autres tribus ont pareillement deux termes distincts pour désigner ces deux dignités. Les ogimas qui se distinguent dans ces réunions par la sagesse de leurs conseils s’attirent une considération qui rejaillit sur leur clan. Leur canton se trouve ainsi intéressé à les maintenir à sa tête. D’autre part, comme les prérogatives du commandement n’ont rien de bien déterminé, elles sont plus ou moins étendues, selon le mérite du titulaire. S’il ne possède pas quelque supériorité réelle, son titre est purement nominal, et son influence est nulle. Si au contraire il donne des preuves évidentes de bravoure et d’énergie, il peut parler et agir en maître ; tout plie aisément devant lui.

Les capitaines, réunis en conseil, décident de la paix et de la guerre ; c’est avec eux que traite le congrès américain. Voilà tout le gouvernement de ces tribus. Les Indiens n’ont pas même de procédé pour exprimer les suffrages et constater les votes. Ils se rassemblent au centre de quelque forêt ou dans quelque gorge de montagne, et sans préambules, sans régler l’ordre de la discussion, sans même nommer ou reconnaître un président, ils s’entretiennent de l’affaire du jour. Après des pourparlers, quelque peu décousus, si l’un des chasseurs réunis en conseil vient à émettre une proposition précise et à la soutenir avec feu, il entraîne les cœurs, et son avis est accepté par acclamation, le plus souvent avec les battemens sinistres de ces massues appelées si justement des casse-têtes. On se sépare ensuite pour aller communiquer cette résolution aux guerriers des différens cantons, qui l’acceptent sans la discuter.