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il n’y parvint pas davantage. Privé des Suisses et délaissé des Vénitiens, il perdit la ville importante de Lodi et il partit pour la France, en laissant son frère Lescun dans Crémone, qui fut réduite peu de temps après à capituler devant l’armée victorieuse.

Prospero Colonna prit dans cette seconde campagne toutes les places que les Français avaient gardées après la première. La perte du duché de Milan s’opéra en deux fois. Lodi, Pizzighetone, Crémone, Trezzo, Lecco, Domodosolla, s’ajoutèrent en 1522 à Milan, Pavie, Plaisance, Parme, etc., enlevées en 1521. Bien plus, le rétablissement des Sforza dans Milan fut alors suivi du rétablissement des Adorno dans Gênes. Cette ville fut assiégée, prise d’assaut et pillée par les troupes de Colonna et de Pescara. Antoniotto Adorno y fut élu doge, et François Ier cessa d’être seigneur de Gênes comme Il cessait d’être duc de Milan. Non-seulement la Lombardie, où il ne conserva que les trois citadelles de Milan, de Crémone et de Novare, lui était ravie, mais les Alpes lui semblaient en partie fermées.


IV

Pendant que la guerre se faisait si mal en Italie, François Ier, moins occupé de ses affaires que de ses plaisirs, se livrait en France aux distractions de la chasse et aux entraînemens de l’amour. Il fut tiré de cette vie frivole et dissipée par la nouvelle du grand revers que venaient d’éprouver ses armes et sa puissance. Il se transporta aussitôt à Lyon pour y remédier. C’est là que se rendit Lautrec, auquel il attribuait ce désastre. Dans sa colère, il ne voulait pas le voir ; mais, Lautrec étant parvenu jusqu’à lui pour se justifier, François Ier lui reprocha avec sévérité d’avoir perdu le duché de Milan. — « C’est votre majesté qui l’a perdu, répondit Lautrec, et non moi. Je l’ai plusieurs fois avertie de me secourir d’argent, sans quoi je ne pourrais retenir la gendarmerie, qui n’était pas payée depuis dix-huit mois, ni garder les Suisses, qui m’ont contraint de combattre à mon désavantage. — Ne vous ai-je pas envoyé, lui dit le roi, les quatre cent mille écus que vous m’avez demandés ? — Je n’ai reçu, répliqua Lautrec, que les lettres par lesquelles votre majesté m’en annonçait l’envoi[1]. » François Ier, surpris, appela sur-le-champ le surintendant des finances Samblançay pour savoir ce qu’il avait fait des quatre cent mille écus qu’il lui avait ordonné de transmettre à Lautrec dans le Milanais. Samblançay répondit que, selon son commandement, la somme avait été préparée, mais que la duchesse d’Angoulême l’avait prise au moment où elle allait être envoyée. Le roi, hors de lui, se rendit dans la chambre de sa mère

  1. Du Bellay, ibid., p. 384-385. — Belcarius, fol. 508-509.