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et lui dit amèrement qu’il n’aurait jamais cru qu’elle pût s’emparer de deniers destinés à secourir son armée d’Italie et lui faire perdre ainsi le duché de Milan. La duchesse d’Angoulême nia, sans hésiter, ce détournement. Elle prétendit n’avoir réclamé et reçu du surintendant qu’une somme provenant des épargnes de son propre revenu. Samblançay ne cessa pas d’affirmer le contraire, et cette contestation, que suivit bientôt la disgrâce du malheureux surintendant, ne fut pas étrangère plus tard à sa mort ignominieuse sur le gibet de Montfaucon.

Du reste, si le duché de Milan avait été perdu, la faute en était à tout le monde. Le roi s’était trop abandonné à ses amusemens et ne s’était pas assez occupé de la guerre. Soumis par affection et par légèreté à l’empire de sa mère, il avait laissé Louise de Savoie satisfaire sa cupidité en puisant dans les coffres de l’état un argent nécessaire à la solde des troupes, et ses animosités en éloignant de lui, par de dangereuses disgrâces, les hommes les plus capables de le bien servir. Non moins accessible à l’influence de sa maîtresse, il avait donné ou laissé aux trois frères de la comtesse de Chateaubriand les grands commandemens militaires dont ils s’étaient si mal tirés en Espagne et en Italie. Lautrec avait surtout échoué parce qu’il avait été inhabile. Sa dureté et son impéritie avaient été pour plus encore que le manque d’argent dans la ruine des affaires de son maître en Lombardie. Sans doute il n’avait pas pu disposer des Suisses comme il l’aurait voulu dans la campagne, d’ailleurs si imparfaitement conduite, de 1521, et il avait été contraint par eux à combattre dans une position désavantageuse en 1522 ; mais l’animosité des populations italiennes contre la domination française et l’assistance qu’elles prêtaient à l’armée impériale étaient l’œuvre de ses violences et de ses maladresses ; mais les opérations militaires dirigées sans intelligence, les occasions favorables négligées par irrésolution, le lent et inefficace emploi des troupes françaises pendant qu’elles étaient supérieures aux troupes ennemies, étaient les inévitables et funestes effets de son esprit incapable et de son caractère incertain. La pénurie d’argent n’avait pas été moins grande et n’était pas moins continuelle dans l’armée impériale. Elle n’avait pas empêché les généraux de Charles-Quint de tenir la campagne et de vaincre. C’étaient donc une habileté soutenue et l’appui des populations qui avaient facilité la conquête du Milanais par Prospero Colonna et Pescara, comme une accumulation de fautes politiques et militaires en avait causé la perte par Lautrec et Lescun.

Quelques jours après que François Ier fut arrivé à Lyon pour y faire les préparatifs d’une expédition à la tête de laquelle il se proposait cette fois de franchir les Alpes, un nouvel ennemi se déclara