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REVUE MUSICALE



Il nous faut aujourd’hui procéder avec ordre, car tous les théâtres lyriques de Paris sont dans un état de fécondité alarmante. On ne sait à quels accords prêter l’oreille, ni à quel chef-d’œuvre donner la préférence. Dans une situation aussi embarrassante, il n’y aurait qu’à suivre la règle de conduite que conseille Pascal : « Il a quatre laquais, et je n’en ai qu’un, cela est visible, il n’y a qu’à compter ; c’est à moi à céder, et je suis un sot si je conteste. » Cependant autre siècle, autres mœurs : si la raison que donne Pascal est encore la meilleure, ce n’est pas impunément que nous vivons dans un temps d’égalité ennemi de la fraude. Les théâtres lyriques ont leur hiérarchie établie d’après la grandeur de la salle et la pompe du spectacle, mais il y a des droits acquis d’antériorité qui obligent la critique comme le plus simple des mortels. À ce titre, c’est le Théâtre-Italien qui doit nous occuper d’abord.

L’opéra de M. de Flotow, Marta, dont nous avons déjà signalé l’apparition au théâtre Ventadour, n’y a pas reçu, ce nous semble, tout l’accueil que mérite cet agréable ouvrage. La pièce est pourtant intéressante, d’une gaieté tempérée et pleine de grâce. La musique répond parfaitement à la nature du sujet ; elle est facile, légère, et ne manque même pas d’une certaine distinction. Le chœur de l’introduction, le petit duo qui suit entre lady Henriette et Nancy, le joli chœur des servantes et le finale du premier acte sont des morceaux bien conçus et agréablement écrits. Au second acte se trouve le joli quatuor que tout le monde a remarqué, et qui rend à merveille tous les incidens d’une scène piquante entre les deux fermiers et les deux fausses servantes. La romance irlandaise, un vrai petit chef-d’œuvre de sentiment, dont M. de Flotow a tiré un bon parti, la chanson du porter, le quintette avec chœur et le duo entre Nancy et Plumkett, complètent cette jolie partition, qui ne vise point à s’inscrire parmi les chefs-d’œuvre. Sans doute la phrase mélodique de M. de Flotow est généralement un peu courte, il emploie trop fréquemment le même genre de rhythmes, et son instrumentation, toujours suffisante et quelquefois ingénieuse, manque d’originalité ;