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recherchés. Ekaterinenbourg compte un grand nombre d’habiles lapidaires, qui font un commerce important. Les ouvriers de Granilnoï utilisent presque toutes les soirées et les jours de fête à fabriquer, avec le malachite, le jaspe ou le porphyre, de petits objets d’art ou de toilette : des broches, des épingles, des colliers, des cachets, des boîtes à ouvrages et des presse-papiers. Ils ne peuvent quelquefois suffire à toutes les demandes.

Ekaterinenbourg est donc une ville prospère, où la vie est plus facile et plus agréable que dans bien des villes de l’intérieur de la Russie. Les nombreux fonctionnaires qui y résident, et qui appartiennent presque, tous aux corps savans, y forment le noyau d’une société aimable et élégante. Les classes aisées mènent la même existence qu’en Europe ; l’étranger retrouve dans leurs maisons les usages et les modes de l’Occident. Le luxe de la table est poussé au plus haut point : le poisson et le gibier abondent toute l’année ; on y joint tous les raffinemens de la cuisine parisienne, et les vins les plus recherchés de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne sont servis avec profusion. Les fêtes sont fréquentes : le moindre anniversaire de famille sert de prétexte à un bal. Malheureusement le jeu est la passion dominante : elle atteint jusqu’aux femmes, qui passent les nuits et quelquefois les journées à jouer. Des fortunes considérables sont ainsi faites ou détruites chaque année. M. Atkinson déplorait un jour, devant un des hommes les plus intelligens du pays, la funeste influence du jeu, qui venait d’amener encore une catastrophe : « Que voulez-vous ? répondit son interlocuteur. Vous autres Anglais, vous avez les journaux, les revues, une littérature féconde, le droit de discuter librement tous les sujets : si nous avions tous ces moyens d’occuper nos esprits, nous n’aurions pas besoin des cartes. » Ainsi le despotisme, en privant les intelligences de ce qui est leur pâture naturelle et légitime, les oblige à chercher dans les excitations du vice l’activité qui leur est nécessaire.

Les paysans de l’Oural ne sont point à plaindre, au témoignage de M. Atkinson. Le sol est fertile, la puissance et la rapidité de la végétation viennent compenser pour eux en été les rigueurs d’un hiver prolongé. Ils élèvent de nombreux troupeaux, ils ont toujours du lait et de la crème en abondance, mais peu d’entre eux savent en tirer de bon beurre. Ils cultivent dans leurs jardins presque tous les légumes de l’Europe ; ils ont autant de gibier et de poisson qu’ils en veulent. Les groseilliers de toute sorte, les framboisiers, les airelles, de petits cerisiers portant des fruits délicieux, croissent spontanément sur les hauteurs avec nombre d’arbres à fruits auxquels il ne manque que d’être greffés. Les ménagères tirent de ces baies et de ces fruits diverses liqueurs, dont quelques-unes ont un parfum