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de durable dans les difficultés dont les mesures nouvelles sur les passeports ont été le principe en Suisse et ailleurs ; malgré tout néanmoins, ce nuage a quelque peine à se dissiper parmi nos bons voisins des cantons suisses. Qui pourrait croire à des hostilités sérieuses entre le Piémont et Naples au sujet de la capture d’un navire à vapeur ? Ce n’est pas moins une complication nouvelle, comme aussi l’on attend, non sans quelque impatience peut-être, la réunion du congrès de Paris, au sein duquel doivent se débattre toutes les questions relatives à la situation de l’Orient. Tous ces incidens ne seraient évidemment rien par eux-mêmes. Ils n’ont sans doute une importance que parce qu’ils se lient à cette inquiétude inavouée, à cet embarras secret et général dont nous parlions. À tout ceci joignez encore cet autre malaise européen dont on peut observer les symptômes, le malaise matériel, suite des crises commerciales et des crises financières. C’est là ce qu’on peut apercevoir du premier coup d’œil, c’est là ce qu’on ne peut oublier dès qu’on se reprend à suivre le mouvement des affaires actuelles et à rechercher un peu partout les élémens dispersés de la politique contemporaine.

Les questions que le congrès de Paris a laissées en suspens ont plus d’une fois, depuis le rétablissement de la paix, occupé les puissances, et l’on se rappelle les discussions animées auxquelles elles ont donné lieu. La sagesse des cabinets a prévenu des dissidences plus, marquées, et en définitive, dans celle de ces questions qui a offert d’abord le plus de gravité, l’affaire de Bolgrad, c’est la raison qui l’a emporté. Le cabinet français n’a pas eu à se plaindre d’un résultat qui a témoigné une fois de plus de l’efficacité du rôle conciliant qu’il avait déjà su remplir dans le congrès de Paris. Nous approchons du moment où la conférence doit s’assembler de nouveau pour prononcer sur les autres questions spéciales dont l’étude avait été remise à des commissions, et, sans dissimuler les difficultés que quelques-unes peuvent présenter, nous puisons dans le souvenir même des débats antérieurs, si heureusement terminés, la persuasion que les prochaines délibérations ne sauraient manquer d’arriver également à bonne fin. Les puissances n’attendent plus que le rapport général de la commission pour se réunir ; c’est ce rapport en effet qui doit servir de point de départ aux appréciations de la conférence. Il faut le reconnaître, les commissaires n’ont trouvé dans les divans convoqués pour exprimer le vœu des populations qu’un concours très incomplet. Ces assemblées étaient-elles en mesure de fournir les élémens nécessaires pour éclairer suffisamment les puissances sur les besoins du pays ? Aujourd’hui l’on peut en douter. Le nombre des hommes ayant une connaissance approfondie de l’administration est bien restreint dans les deux provinces, et ils ne formaient qu’une bien faible minorité dans les divans, minorité d’ailleurs sans influence, parce que la plupart des personnages qui la composaient, compromis dans les luttes antérieures des partis, étaient paralysés par leur impopularité. Il en est résulté que les divans se sont maintenus dans le domaine des idées générales, et qu’ils n’ont formulé que bien peu de vues pratiques propres à aider les commissaires dans l’étude dont ils étaient chargés. Se bornant à exprimer des vœux un peu abstraits quant à la constitution politique du pays, ils ont laissé à la commission le soin de rechercher elle-même, dans un examen