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approfondi de l’administration et des lois, comment et dans quelle mesure on pourrait les améliorer. C’est en partie dans la nécessité de procéder à cet examen, à la suite de la fermeture des divans, qu’il faut voir la cause des retards qu’a subis la rédaction définitive du rapport des commissaires. La tâche était très vaste. En effet, ce n’est pas seulement dans le régime politique des principautés qu’il y a lieu d’introduire des réformes ; leur état social appelle également l’attention des puissances. L’Autriche a prononcé en 1848 l’affranchissement complet de ses populations agricoles ; la Russie délibère sur les moyens d’atteindre le plus sûrement et le plus promptement possible le même but. Entre les paysans hongrois émancipés et les serfs russes qui vont l’être, le cultivateur valaque ne saurait demeurer plus longtemps dans sa condition actuelle. La constitution toute byzantine de la boyarie soulève également bien des objections, et l’on porterait remède à l’une des plaies les plus profondes du pays, si à une organisation hiérarchique, qui est une source de corruption et de faiblesse, on pouvait substituer l’influence naturelle et salutaire de la famille et de la propriété. Nous ignorons quelle est sur ces divers points l’opinion des commissaires ; mais les puissances compléteraient le bienfait de la réorganisation politique et administrative dont la conférence doit poser les bases, si elles indiquaient aussi celles d’une amélioration sociale en ce sens.

Les puissances auront vraisemblablement à s’occuper en même temps de l’acte préparé à Vienne pour réglementer la navigation du Danube. Nous ne reviendrons point sur les discussions auxquelles la marche suivie en cette occasion par les états riverains a donné lieu : elle a été partout appréciée comme dérogeant aux usages des chancelleries en matière de ratification. Les souverains en effet n’accordent d’ordinaire leur signature qu’à des actes dont les termes sont arrêtés et définitifs. L’on a pu s’étonner qu’ils l’aient apposée au bas d’un acte qui ne pouvait entrer en vigueur avant d’avoir obtenu l’approbation de la conférence, et dont par conséquent le caractère était essentiellement provisoire. L’opinion, trop prompte à tirer des conséquences fâcheuses de cette conjoncture, en avait déduit d’abord que la pensée des états riverains était de soustraire le règlement pour la navigation du Danube au contrôle de la conférence, ou de ne l’accepter qu’à la condition qu’il fût purement nominal ; mais cette interprétation n’était pas fondée. Les deux puissances riveraines représentées dans le congrès de Paris, l’Autriche et la Turquie, reconnaissent pleinement que la conférence est compétente pour examiner et apprécier l’acte de navigation, et qu’il ne sera applicable au Danube qu’après avoir reçu son assentiment. Deux intérêts sont en présence dans cette affaire, celui des riverains et celui de l’Europe, sans être opposés, ni surtout inconciliables. Sans doute il était légitime de tenir compte de la position spéciale des riverains, et le congrès l’a fait en les appelant à rédiger les règlemens destinés à régir la situation nouvelle faite au Danube ; mais il était légitime aussi qu’en proclamant que ce fleuve serait désormais libre et en laissant à une commission spéciale le soin d’élaborer les bases de ce régime nouveau, le congrès se réservât de s’assurer si ses intentions ont été remplies. Certainement la conférence, en examinant l’acte élaboré par les riverains, pourra faire des observations en faveur de la navigation générale, dont les besoins ne paraissent pas avoir été pris en