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assez sérieuse considération par la commission de Vienne ; mais les riverains ont-ils quelque chose à craindre de la concurrence étrangère pour leur batellerie ? Ne doivent-ils pas au contraire désirer que les pavillons étrangers prennent à la navigation la plus grande part possible sur le Haut comme sur le Bas-Danube ? Parmi les états riverains, il en est un surtout pour lequel c’est là un intérêt majeur. La Turquie d’Europe, et principalement ses quatre grandes provinces arrosées par le Danube, donnent en abondance les matières premières, et ont besoin de recevoir en échange des produits manufacturés. Or elles possèdent à peine quelques bâtimens de commerce, et les exportations aussi bien que les importations, dont dépend leur prospérité, ne peuvent se faire que par l’intermédiaire des pavillons étrangers. L’Autriche est dans une position différente, il est vrai : sa navigation a pris sur le Danube les plus heureux développemens ; cependant l’Autriche orientale, où l’agriculture fait en ce moment de si rapides progrès, et dont la prospérité va s’accroître plus rapidement encore lorsque ses chemins de fer seront achevés, peut doubler ses exportations en vins en blé, en matières premières de toute nature et elle a tout intérêt à ce que les pavillons étrangers y concourent avec le pavillon autrichien. La navigation autrichienne est d’ailleurs en état de soutenir sans peine sur ce point la concurrence étrangère, d’autant mieux que les Portes de Fer opposent le plus sérieux obstacle aux bâtimens du plus faible tirant d’eau, et qu’elles interdisent à peu près absolument l’accès de la partie autrichienne du fleuve aux bâtimens venant de la mer : Dans les proportions restreintes où les bâtimens étrangers remonteront jusqu’en Autriche, ils pourront encore contribuer à l’accroissement des échanges de cet empire, mais ils ne pourront en réalité porter aucune atteinte aux intérêts ; de sa navigation. La liberté du Danube est donc avantageuse pour l’Autriche en même temps qu’elle est indispensable pour la Turquie d’Europe, et ainsi les modifications qui pourraient être apportées en ce sens à l’acte de navigation du Danube ne seraient pas moins favorables aux intérêts particuliers des riverains qu’aux intérêts généraux de l’Europe.

Deux questions s’agitent simultanément aujourd’hui en Piémont, deux questions qui se lient encore à toutes les choses actuelles, et qui sont nées successivement de ces ; tristes tentatives par lesquelles se révèle de temps à autre la sourde et implacable activité de l’esprit révolutionnaire. Le projet présenté par le gouvernement du roi de Sardaigne pour la répression des attentats contre les souverains étrangers, ce projet recevra-t-il définitivement la sanction législative ? Et d’un autre côté, comment va se dénouer cet étrange démêlé qui est survenu entre le Piémont et le royaume des Deux-Siciles, au sujet de la capture du bâtiment à vapeur le Cagliari, surpris l’été dernier par les passagers eux-mêmes embarqués à son bord, violemment détourné de sa destination régulière, et employé à jeter une bande d’insurgés sur les côtes napolitaines ? Le parlement de Turin en est aujourd’hui même à discuter la première de ces questions, — la loi sur les attentats, — qui est arrivée devant les chambres à demi éclaircie peut-être par la publication du rapport de la commission et par tous les commentaires de la presse. Un des incidens caractéristiques dans cette affaire si l’on s’en souvient, c’est que la commission législative a laissé en chemin l’œuvre du