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ganisation se fait sentir, plus elles sont exposées à ces terreurs paniques que le moindre incident amène et que rien ne peut arrêter.

La conduite de la cavalerie gauloise serait plus difficile à expliquer, car elle était non-seulement brave, mais très supérieure à l’infanterie de même race par son organisation et sa tactique ; elle devait se composer en grande partie d’anciens auxiliaires des Romains. Il est fort possible qu’elle ait été paralysée par quelque fausse disposition des généraux ou par l’habileté même de la manœuvre de César ; mais la lecture attentive du septième livre des Commentaires nous fournit encore une autre explication qui nous paraît aussi plausible. Les Éduens faisaient la principale force de cette cavalerie ; or les Éduens agirent-ils dans cette circonstance avec une parfaite loyauté, et leur énergie ne fut-elle pas amortie par quelque arrière-pensée ?

Depuis le commencement de l’année, leur attitude avait été constamment douteuse et vacillante ; leurs esprits étaient agités de sentimens divers : d’une part, la fatigue de la domination romaine, une sorte de repentir d’avoir contribué à l’établir en Gaule ; de l’autre, la jalousie des autres tribus, le désir de conserver la suprématie que leur laissaient leurs maîtres, et qui les consolait de leur servitude. César revenant en Gaule les avait trouvés, non pas en insurrection ouverte, mais animés de dispositions sur lesquelles il ne s’était pas mépris. Il dépeint de main de maître leurs incertitudes, leurs fluctuations. On les voit exécuter ses ordres, accepter la révolution qu’il opère dans leur gouvernement, fournir des vivres, des auxiliaires, mais avec une répugnance croissante. Bientôt leur contingent prend une attitude décidément hostile : les citoyens romains qui se trouvaient sur leur territoire sont maltraités, dépouillés, emprisonnés. Puis le proconsul surprend et enveloppe leurs guerriers : aussitôt la tribu implore sa clémence, désavoue, punit les violences commises contre les Romains, et obtient, comme une sorte de faveur, que son contingent serve devant Gergovie, à côté des légions ; mais quand César lève le siège de cette ville, les auxiliaires éduens le quittent sous divers prétextes. C’est la vieille histoire de toutes les défections de ce genre, et c’est un jeu que nous avons vu jouer cent fois à nos tribus algériennes. Le proconsul cependant pénètre les intentions des prétendus alliés qui l’abandonnent ; mais les circonstances ne lui permettent pas de les retenir, et il feint de se laisser prendre à leurs promesses. À peine l’ont-ils quitté qu’ils se trouvent devant Nevers, où sont tous les bagages de l’armée romaine. La cupidité enflamme leurs autres passions, et le pillage de Nevers semble les compromettre sans retour. Ils figurent parmi les plus ardens des insurgés ; mais leur dévouement de fraîche date inspire peu de confiance aux chefs du parti national.