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et la valeur de ses adversaires, par la nature du terrain et par toutes les difficultés de l’opération qu’il allait entreprendre, le proconsul prit immédiatement son parti. Il renonça à sa marche vers la Province, et commença l’investissement d’Alesia.


VI.

Quel était l’emplacement de cette Alesia ? Une antique tradition, appuyée d’un solide mémoire de d’Anville, avait placé cette bourgade, ou mieux cette place forte (oppidum), à quatorze kilomètres est-nord-est de Semur, sur le sommet du Mont-Auxois, où s’élève une petite ville appelée encore aujourd’hui Alise. Depuis un siècle environ, tous les commentateurs de César, lettrés ou soldats, avaient accepté cette donnée comme un axiome et en avaient fait la base de leurs dissertations ; mais tout récemment, comme nous l’avons dit en commençant, de savans archéologues ont voulu enlever à la Bourgogne et revendiquer pour la Franche-Comté l’honneur de posséder sur son territoire le dernier boulevard de l’indépendance gauloise. S’appuyant de considérations philologiques, d’études et de découvertes faites sur les lieux, interprétant d’une façon nouvelle les passages obscurs ou incomplets des Commentaires, ils ont cru retrouver l’Alesia de Vercingétorix dans le petit village d’Alaise, situé dans le département du Doubs, à vingt-quatre kilomètres sud de Besançon et à onze kilomètres nord-est de Salins.

Pour examiner cette question, il faut se placer à trois points de vue différens :

1° Le point de vue stratégique. Nous appellerons ainsi la discussion des opérations militaires qui ont amené les Gaulois dans Alesia et les Romains devant cette place. Est-il vraisemblable ou possible que cette série de mouvemens se soit terminée dans le département du Doubs ou dans le département de la Côte-d’Or ?

2° Le point de vue topographique. Les descriptions du terrain données par César peuvent-elles s’appliquer au Mont-Auxois ou au massif d’Alaise ? Devant laquelle de ces deux positions ont pu être exécutés les travaux ou livrés les combats dont le récit nous a été conservé ?

3° Le point de vue purement archéologique et grammatical. L’interprétation savante, rigoureuse du texte de César et des auteurs anciens qui ont parlé des guerres des Gaules, notamment de Plutarque et de Dion Cassius, donne-t-elle raison à l’un ou à l’autre des deux partis ? Quelle est la valeur de ces textes ? Les traditions favorables à l’Alise bourguignonne doivent-elles être repoussées ? Dans ce que l’on connaît de la langue, de la prononciation des Celtes,