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de Dubois, répétée et embellie par La Baumelle, n’est pas de celles qui font le plus d’honneur à l’inventive fécondité de Saint-Simon. De l’aveu de celui-ci d’ailleurs, Dubois était sobre comme un cénobite et ne jouait jamais. Enfin Duclos, Marmontel et Lémontey, quoique dans leurs flétrissures ils aient encore renchéri sur Saint-Simon et Voltaire, organes d’une secte implacable et d’une noblesse humiliée, nous ont laissé le règlement de vie de ce Sardarnapale devenu premier ministre, et nous voyons qu’à l’âge de soixante-sept ans il consacrait quinze heures au travail, six heures au sommeil, et qu’il dînait avec une aile de poulet et un verre d’eau !

Lorsqu’en face de la balance où l’histoire pèse l’honneur des hommes publics, on trouve le plateau des preuves plus léger que celui des accusations, l’hésitation est un devoir pour celui même qui n’aurait conçu ni l’intention, ni l’espérance de réhabiliter une mémoire condamnée. Ce devoir devient plus impérieux pour le publiciste s’il s’agit d’un homme qui a infligé à un grand parti religieux et à une aristocratie vaniteuse les plus amères déceptions, et dont les actes principaux ont reçu une interprétation généralement malveillante. Le moment est venu d’apprécier ceux-ci et de dire comment Dubois parvint à les consommer.


III

Revêtu du simple titre de conseiller d’état, il entreprit avec la plus singulière confiance l’une des œuvres diplomatiques dont l’influence a été la plus considérable sur les destinées de l’Europe moderne. Il résolut d’abord de lier deux maisons royales par l’intérêt de leur sûreté commune, il conçut ensuite la pensée de fonder sur l’alliance anglo-française un pacifique arbitrage, assez puissant pour imposer d’une part aux taciturnes rancunes de l’empereur Charles VI,