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tout au sud de l’Aïr, que les premières girafes commencent à se montrer Le tonnerre grondait, le sommet des montagnes s’enveloppait de nuages ; cependant les tempêtes de sable étaient plus fréquentes encore que les averses de pluie.

Au-delà d’Asiu, les difficultés naturelles se trouvaient en grande partie surmontées ; mais d’autres dangers attendaient nos voyageurs : les Tawareks, contenus jusqu’ici par les négociations et les présens, devenaient chaque jour plus exigeans, des bandes menaçantes s’approchaient de la caravane, leurs émissaires se mêlaient aux compagnons des Européens, et cherchaient à exciter leur fanatisme. La nuit, on campait en ordre de bataille, les pièces du bateau placées de façon à protéger les tentes, et il fallait veiller à tour de rôle pour se tenir en garde contre une attaque, ou au moins contre le vol des chameaux. Les voyageurs, sans leurs bons fusils armés de baïonnettes qui effrayaient particulièrement les brigands, n’eussent pas impunément franchi les limites de l’Aïr ou Asben, qui sont infestées de pillards. Enfin Annur, le chef de Tintellust, envoya une escorte, qui permit aux voyageurs d’entrer sains et saufs dans cette ville, une des plus considérables de l’Aïr après la capitale Agadès. Visiter Agadès était un des vœux les plus chers de l’expédition. Barth obtint la faveur de se joindre à une caravane qui se dirigeait vers cette ville, et il partit emportant quelques présens pour le sultan d’Aïr, afin d’en obtenir des lettres de protection auprès des chefs des contrées circonvoisines. L’Aïr présente une succession alternative de riches vallées et de montagnes rocheuses. Septembre y est la saison de pluies abondantes, qui montrent que cette contrée appartient autant à la région du Soudan qu’au désert. Les bœufs y sont d’un usage assez fréquent, les antilopes très nombreuses ; des singes, des chacals, des lièvres, des pigeons, des cygnes sauvages, tels sont les animaux que M. Barth eut occasion d’y voir. Il y rencontra aussi des lions : le lion d’Aïr est de petite taille, sans crinière et timide. Dans les riches vallées, à côté des beaux bouquets du palmier appelé dum, le voyageur trouva un remarquable spécimen de l’arbre appelé dans le Hausa baure, qu’il ne faut pas confondre avec le baobab d’Adanson. C’est une sorte de figuier à feuille épaisse du plus beau vert. Celui que mesura Barth avait vingt-six pieds de circonférence à huit pieds du sol, et quatre-vingts de hauteur ; il se terminait par une abondante et vaste couronne. L’asclépias gigantesque, qui ne se montre que dans les endroits susceptibles de culture, témoignait de la fertilité du sol. Quand les arbres étaient moins serrés, des melons sauvages couvraient la terre. On voyait aussi çà et là quelques champs de blé, restes d’une culture qui a été plus étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il faut sept jours à une caravane pour faire le chemin qui sépare Tintellust d’Agadès. Près de la route qui conduit de l’une à l’autre ville gisent les ruines d’Asodi, qui avait, il n’y a encore que peu d’années, une grande renommée d’étendue et d’importance. De ses mille maisons d’argile et de pierre, quatre-vingts à peu près sont habitées maintenant.

Agadès, cette ville située à la limite du désert et du Soudan, rendez-vous des races les plus différentes d’origine et de caractère, est elle-même dans un état de complète décadence. De loin Barth avait admiré son superbe minaret ; ses compagnons lui avaient dit que l’illustre ville comptait autrefois