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LE
CHATEAU SAINT-ANGE
SOUVENIRS DE JEUNESSE D'UN PRISONNIER POLITIQUE.



« Ceci n’est point un conte, » comme disait Diderot de l’un de ses récits ; ce sont des souvenirs très réels de la vie de jeunesse à Rome sous le pontificat de Grégoire XVI, et pour cela même on nous permettra de ne pas nommer le héros de cette histoire. Si, en nous aidant de ses confidences, nous avons pu rassembler les pages qu’on va lire, si nous sommes ainsi autorisé à nous substituer au véritable auteur de cette confession, c’est à lui cependant qu’il convient de laisser la parole.


I

L’année 184. allait finir, l’hiver venait de commencer. Pendant toute la journée, le temps était resté triste, et le ciel romain, n’avait cessé de verser des torrens de pluie. Je rentrai chez moi, via dell’Orso, vers minuit, et je trouvai mon ami Giulio, déjà couché. Mécontent de moi, mécontent des autres, mécontent de tout ce qui m’entourait, j’étais en proie à un sentiment ou pour mieux dire, à un pressentiment pénible et mélancolique. J’ouvris, selon mon habitude, quelques livres, et je me mis à les feuilleter machinalement : ma pensée était ailleurs, ou plutôt je ne pensais pas. Alourdi par l’ennui, je le fus bientôt par le sommeil ; je me couchai et ne tardai pas à m’endormir. Mon repos ne fut pas de longue durée ; je fus tout à coup réveillé par un bruit sourd qui se faisait à la porte de la maison. Je prêtai l’oreille, et je ne fus pas peu étonné de distinguer