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nécessaires. Il était même à craindre que le scepticisme et le découragement allant aux dernières limites, on n’en vînt à mettre en doute la possibilité pour certaines compagnies de subvenir au service de leurs obligations, chaque année accrues par des émissions considérables. Si on eût laissé arriver les choses à ce point, il fût devenu un jour impossible aux compagnies de mener à fin la construction des nouvelles lignes, et les intérêts publics, qui exigent l’achèvement du réseau, fussent restés en souffrance. Il y avait donc pour l’état un intérêt politique de premier ordre à se préoccuper de cette déroute de l’opinion financière, à réviser les dernières conventions qu’il a conclues avec les compagnies et à ranimer par des combinaisons prévoyantes et saisissantes la confiance des capitaux éperdus.

Telle est l’œuvre à laquelle le ministre des travaux publics travaille depuis plusieurs semaines, de concert avec les compagnies. Les négociations sont même déjà terminées avec les compagnies d’Orléans et de Paris à Lyon et à la Méditerranée. Voici, croyons-nous, sur quel principe seraient fondés les nouveaux arrangemens élaborés entre l’état et ces compagnies. Il aurait été convenu d’abord que l’état garantirait pendant cinquante ans un intérêt de 4 pour 100, augmenté de 65 centimes pour l’amortissement sur les capitaux employés à la construction du nouveau réseau. C’était là une base équitable, qui d’un côté garantissait les capitaux engagés sur l’ancien réseau des chances onéreuses qui pouvaient être attachées à la construction et à l’exploitation des lignes nouvelles. Seulement ce n’était pas tout que de poser le principe, il fallait en faire l’application. Le jour où le nouveau réseau sera exploité, comment distinguer les produits de cette exploitation, dont l’insuffisance donnerait lieu à la garantie promise par l’état, des produits du réseau ancien ? Le moyen le plus simple en apparence de faire cette distinction eût été d’établir deux comptes séparés pour l’exploitation des anciennes et des nouvelles lignes ; mais cette combinaison ne protégeait pas assez les intérêts de l’état : il eût été à craindre pour lui que les compagnies ne détournassent au profit de leur ancien réseau une partie du trafic qui, livré à lui-même, se fût dirigé sur le nouveau, que par conséquent, pour augmenter les profits des actionnaires, on ne sacrifiât les intérêts de l’état, appelé à combler par sa garantie une insuffisance amenée par des moyens factices. La combinaison des comptes séparés a donc été écartée. Cependant, si l’exploitation des deux parties du réseau ne donnait lieu qu’à un seul compte, la distinction des deux produits étant impossible à faire, ou plutôt le réseau nouveau pouvant détourner par une concurrence naturelle une partie du trafic acquise aujourd’hui à l’ancien, il fallait sauvegarder par une garantie spéciale les intérêts actuels des actionnaires. On y a réussi au moyen de la formule suivante. L’état et les compagnies prennent pour base les derniers dividendes acquis aux actionnaires, ou mieux les produits nets kilométriques auxquels correspondent ces dividendes ; à l’avenir, et quand les nouvelles lignes auront été mises en exploitation, on prélèvera avant tout le produit net kilométrique correspondant aux dividendes actuels ; c’est le minimum de rémunération sur lequel pourront compter les actionnaires. Une fois ce prélèvement fait, le reste sera d’abord employé à subvenir aux charges des lignes nouvelles ; si ce reste est supérieur aux charges, l’excédant re-