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REVUE DES DEUX MONDES.

si, sous le rapport des questions intérieures, il y a eu quelques dissentimens qui se sont traduits en opposition plus ou moins vive contre le cabinet, toutes les divisions d’opinions semblent s’être effacées en ce qui touche les affaires extérieures. Les Danois ont paru assez disposés à ne pas aller plus loin dans la voie des concessions, dût la résistance amener un conflit. C’est là du moins l’esprit qui s’est révélé dans une sorte de meeting où assistait le président du conseil, et où les affaires du Holstein ont été l’occasion d’assez vives sorties contre l’Allemagne et les Allemands. M. Hall, ministre du roi, a dû naturellement s’expliquer avec plus de modération : il s’est sagement abstenu de s’associer à des manifestations imprudentes ou inutiles ; il en a dit assez néanmoins pour laisser apercevoir ce qu’il y a de grave dans la situation actuelle, — la possibilité d’un conflit, les chances d’une intervention européenne, la nécessité pour le Danemark de maintenir les droits de son indépendance. M. Hall a touché toutes ces questions avec réserve, rappelant la conduite du gouvernement danois, énumérant les concessions faites à la politique allemande, et laissant, en définitive, planer une certaine obscurité sur le genre de réponse que le cabinet de Copenhague va opposer à la dernière communication de la diète de Francfort. C’est là effectivement la question aujourd’hui. La diète a fixé un délai de six semaines ; le Danemark, de son côté, semblerait disposé à laisser passer ce délai sans renouveler une réponse qui ne serait que la reproduction de celles qu’il a faites déjà. Il serait assez porté, dit-on, à se tenir immobile, attendant les événemens. S’il en est ainsi, que fera l’Allemagne ? que fera l’Europe elle-même ? Voilà un problème qui vient se mêler à tant d’autres dans la politique du moment. e. forcade.


REVUE MUSICALE.

Les Nozze di Figaro de Mozart ont eu au Théâtre-Lyrique, qui vient de fermer ses portes pour deux mois, le succès que nous avions prévu. Le public a récompensé l’administration de ses efforts intelligens, et il a prouvé une fois de plus qu’il n’est pas aussi insensible aux vraies beautés de l’art que veulent bien le dire les prétendus initiateurs dont il dédaigne les tristes productions. Quoi qu’on dise et qu’on écrive à cet égard, nous avons toujours eu une grande confiance dans le sens commun. Le public peut ne pas apprécier à sa juste valeur une œuvre compliquée ou trop délicate dans l’expression de certains sentimens, mais il est impossible qu’il ne sente pas, au moins d’une manière confuse, qu’un homme de génie a passé devant lui. Il n’y a pas dans l’histoire un seul exemple d’un grand artiste ni d’un chef-d’œuvre entièrement méconnus. On n’en écrira pas moins dans les journaux que les Nozze di Figaro n’ont pas eu de succès devant le public de Vienne, tandis que le père de Mozart mandait à sa fille le 18 mai 1786 : « À la seconde représentation des Nozze di Figaro, on a répété cinq morceaux ; on en a redemandé sept à la troisième ; un petit duo a été redemandé trois fois[1]. »

La première représentation de ce chef-d’œuvre a eu lieu à Vienne le

  1. Voyez la Vie d’un Artiste chrétien, par M. Goschler, p. 312.