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tonward, c’est-à-dire que nous mangerons du pain, du fromage et du beurre en attendant le souper.

— Merci-dieu ! comme vous y allez ! Je sais bien que c’est là l’ordinaire des gros bourgeois de Stockholm ; mais vous, si svelte encore, monsieur Goefle !

— Eh bien ! voulez-vous que je devienne un squelette ? Ce serait bientôt fait si je changeais quelque chose au régime du pays. Croyez-moi, suivez-le, ou vous ne tarderez pas à tomber malade.

— Pour vous obéir, monsieur Goefle, il me faudrait deux choses : le temps et mon valet Puffo. Or le temps marche, et mon valet m’est apparu un instant pour disparaître aussitôt et ne revenir peut-être que demain matin.

— Est-ce que je ne pourrais pas vous aider, moi ? De quoi s’agit-il ?

— De bien des choses ; mais la principale est encore d’arrêter un canevas de pièce que mon animal de Puffo soit en état de représenter avec moi. Il ne manque pas de mémoire, à la condition d’une répétition avant la représentation, et comme depuis plusieurs jours nous voyageons sans rien faire, et qu’il s’est enivré cette nuit probablement…

— Allons, allons ! vous avez cinq heures devant vous, c’est immense ! Il ne m’en faut pas tant quelquefois pour étudier une cause diablement plus embrouillée que vos comédies de marionnettes ! Je promets de vous aider, vous dis-je, mais à la condition que vous allez vous asseoir et manger avec moi, car je ne connais rien de plus triste que de manger seul.

— Vous me permettrez de manger vite au moins, dit Christian en prenant place vis-à-vis de l’avocat, et de ne pas trop causer, car j’ai besoin de mes poumons pour aujourd’hui !

— Bien, bien ! reprit M. Goefle en taillant la part de Christian dans une énorme pièce de veau froid, morceau très apprécié de la bourgeoisie en Suède quand il est cuit à point ; mais que me disiez-vous en entrant ici ? Qu’auriez-vous découvert si vous eussiez eu le temps ?…

Christian raconta son aventure, et la termina en demandant à M. Goefle s’il pensait que la base du Stollborg contînt une ancienne prison.

— Ma foi, je n’en sais rien, répondit l’avocat. Qu’il y ait une cave dans ce gros massif de maçonnerie qui est sous nos pieds, c’est fort possible, et qu’en ce cas elle ait servi de geôle, je n’en doute pas. Les mœurs de nos ancêtres n’étaient pas fort tendres, et d’ailleurs les seigneurs sont encore justiciers sur leurs terres.

— Ainsi vous ne doutez pas non plus que cette base du donjon ne puisse encore servir de geôle aujourd’hui ?