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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/428

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La ville de Madrid peut être appelée une ville neuve en géographie et en histoire ; elle ne fut faite capitale qu’en 1560, par la grâce de Philippe II. Depuis lors elle devint la résidence des rois et fut appelée la corte ; c’est sous ce nom qu’elle est désignée dans le langage officiel. Le roi Charles III, au souvenir duquel se rattachent tous les embellissemens de l’Espagne, fit beaucoup pour Madrid ; il lui donna des musées, des collèges, des hôpitaux, des promenades, mais il ne pouvait lui donner ce qui ne vient que du temps, c’est-à-dire une histoire, des traditions, des monumens consacrés par des souvenirs. La visite de Madrid est donc bientôt faite, et quand on a vu le palais, qui est un édifice moderne, et l’armeria, ou musée d’artillerie, c’est fini. Je ne parle pas du grand musée, qui, après Florence et Paris, est le plus riche du monde ; il demanderait des volumes, et du reste il en a fait faire. Les monumens qui dans toute vieille ville occupent le premier rang, les églises, n’offrent à Madrid aucun intérêt. Il ne reste plus au touriste qu’à se promener et à flâner, ce que nous allons faire, et comme le premier principe de la flânerie c’est le libre arbitre, nous marcherons un peu à l’aventure et sans grand respect de l’ordre.

Ce n’est pas que l’ordre soit difficile à garder. Placez-vous, par exemple, à la Puerta del Sol : elle vous mène à tout, elle est le confluent des principales rues : d’un côté la calle Mayor, de l’autre la rue d’Alcala, la carrera San-Geronimo, la Montera et les Carrelas. C’est dans ces limites qu’est concentrée l’activité de Madrid et ce qui s’y fait de commerce.

Madrid ne fabrique et ne produit rien ; c’est une ville de consommation et vivant de l’importation. Les boutiques y sont généralement ornées des échantillons les plus vulgaires des « articles Paris, » et la pacotille y étale son luxe de chrysocale. Par cette raison même, Madrid est une ville où la vie est très chère, et pour les étrangers elle y est plus chère qu’à Paris et à Londres. Les hôtels y sont à l’état d’enfance ; ceux qui passent pour les premiers seraient du sixième ordre en Suisse, en Belgique, en Allemagne, en France et en Angleterre. On y néglige et probablement on y ignore les règles les plus élémentaires, non-seulement du comfort, mais de la propreté, et ce serait peine perdue de vouloir les y introduire. Ce peuple a une force d’inertie qui le fera résister longtemps à tout ce que nous appelons des améliorations et qu’il appelle des importations étrangères ; il ne fait pas d’observations, c’est vrai, mais quelque chose qu’il fait encore moins, c’est ce’ qu’on lui demande.

Prenant les choses comme elles sont, ce qu’un voyageur a de mieux à faire, c’est de se choisir un logement dans une de ces casas de huespedes, qui correspondent aux maisons meublées de Paris et aux boarding houses de Londres ; le déjeuner est habituellement compris