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vrez-moi votre cœur comme à un ami, et comptez sur moi, s’il y a une injustice à réparer.

Stenson hésita quelques instans ; puis, ouvrant avec agitation un tiroir de son bureau, dont il prit la clé dans sa poche, il montra à M. Goefle une petite boîte cachetée en disant : « Votre parole d’honneur ! »

— Je vous la donne.

— Sur la sainte Bible ?

— Sur la sainte Bible !… Eh bien ?

— Eh bien !… si je meurs avant lui,… ouvrez, lisez et agissez… quand je serai mort !

M. Goefle jeta les yeux sur la boîte ; il y vit son nom et son adresse.

— Vous aviez pensé à moi pour ce dépôt ? dit-il. Je vous en sais gré, mon ami ; mais si votre vie est menacée, pourquoi tarder à tout dire ? Voyons, cher monsieur Stenson, je commence à ouvrir les yeux… Le baron…

Stenson fit signe qu’il ne répondrait pas. Goefle poursuivit quand même : — Il a fait mourir de faim sa belle-sœur !

— Non ! s’écria Stenson avec l’accent de la vérité ; non, non, cela n’est pas !

— Mais lorsqu’elle signa certaine déclaration relativement à sa grossesse, elle subissait une contrainte ?

— Elle signa librement et volontairement… J’étais là, j’ai signé aussi.

— Qu’a-t-on fait de son corps ? L’a-t-on jeté aux chiens ?

— Oh ! mon Dieu ! n’étais-je pas là ? Il a été enseveli religieusement.

— Par vous ?

— De mes propres mains !… Mais vous êtes curieux ! rendez-moi la boîte !

— Vous doutez donc de mon serment ?

— Non, reprit le vieillard, gardez-la et ne m’interrogez plus…

Il serra encore la main de M. Goefle, se rapprocha du feu, et retomba, en réalité ou à dessein, dans une surdité absolue. M. Goefle, pour le distraire, et dans l’espoir de le ramener un peu plus tard à des velléités d’épanchement, essaya de lui parler du procès principal dont le baron l’avait entretenu le matin. Cette fois il fut forcé d’écrire ses questions, auxquelles le vieillard répondit avec sa lucidité ordinaire. Selon lui, les richesses minérales de la montagne en litige appartenaient à un voisin, le comte de Rosenstein. Il en donna de bonnes raisons, et, fouillant dans ses cartons, rangés et étiquetés avec le plus grand soin, il en fournit des preuves. M. Goefle