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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/535

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M. Goefle sous le châssis fermé de tapisseries bien assujetties au moyen de crochets au dedans, sur la face et sur les côtés. Le fond était libre et assez reculé dans la petite charpente pour permettre une perspective de plusieurs plans réels.

Les deux operanti attendaient les trois coups, Christian avec calme, M. Goefle avec une impatience fiévreuse qu’il exprimait assez vertement. — Vous vous dépitez ? lui dit Christian. Allons, c’est que vous êtes ému, et c’est bon signe ; vous allez être étincelant.

— Espérons-le, répondit l’avocat, quoiqu’à vrai dire il me semble en ce moment que je vais ne pas trouver un mot et rester court. C’est fort plaisant, cela, j’en ai le vertige ! Jamais plaidoyer devant une assemblée sérieuse, jamais question de vie ou d’honneur pour un client, de succès pour moi-même, ne m’a autant agité le cerveau et tendu les nerfs que la farce que je vais jouer ici. Ces bavardes de femmes que l’on entend caqueter à travers les portes ne finiront-elles pas par se taire ? Veut-on nous faire étouffer dans cette baraque ? Je vais leur dire des injures, si cela continue !

Enfin les trois coups furent frappés. Deux laquais placés dans la galerie ouvrirent simultanément les deux battans, et l’on vit le petit théâtre, qui semblait marcher de lui-même, s’avancer légèrement et se placer devant la porte, dont il occupait toute la largeur. Quatre instrumens que Christian avait demandés jouèrent un court divertissement à l’italienne. La toile se leva, et les applaudissemens accordés au décor donnèrent aux deux operanti le temps de prendre en main leurs marionnettes pour les faire entrer en scène.

Toutefois Christian ne voulut pas commencer sans regarder son public par un petit œil ménagé devant lui. La seule personne qu’il cherchait fut la première que son regard saisit. Marguerite était assise auprès d’Olga, au premier rang des spectateurs. Elle avait une parure délicieuse, elle était ravissante. Christian remarqua ensuite le baron, qui était au premier rang des hommes derrière les femmes. Sa haute taille le faisait apercevoir aisément. Il était plus pâle, s’il se peut, que la veille. Christian chercha en vain la figure de Massarelli. Il vit avec plaisir celles du major Larrson, du lieutenant Ervin et des autres jeunes officiers qui, au bal et après le bal de la veille, lui avaient témoigné une sympathie si cordiale, et dont les physionomies hautes en couleur, épanouies d’avance, annonçaient une bienveillante attention. En même temps Christian entendit circuler l’éloge du décor. — Mais c’est le Stollborg ! dirent plusieurs voix. — En effet, dit la voix métallique du baron Olaüs, je crois qu’on a voulu représenter le vieux Stollborg !… — M. Goefle n’entendait rien et ne voyait personne ; il était réellement troublé. Christian, pour lui donner le temps de se remettre, entama la pièce