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Hilda ; cela peut passer pour un costume, puisque c’est fort passé de mode ; cela a au moins une vingtaine d’années de date. Voyez si vous pouvez vous en affubler ; la dame était grande, et quand même vous seriez un peu court-vêtue ! Quant à moi, je me ferai un costume de sultan avec ma pelisse et un turban d’étoffe quelconque. Voyons, aidez-moi, Christian, vous êtes artiste ; tout artiste doit savoir rouler un turban !

Christian n’était pas gris ; l’effraction de M. Goefle le chagrina un peu. — On accuse toujours, lui dit-il, les gens de mon état, et non sans cause généralement ; vous verrez que cela m’attirera quelque ennui !

— Bah ! bah ! ne suis-je pas là ? s’écria M. Goefle ; je prends tout sur moi. Allons, Christian, endossez donc cette robe, essayez du moins.

— Cher monsieur Goefle, dit Christian, laissez-moi avaler n’importe quoi ; je meurs de faim.

— C’est trop juste ! Faites vite.

— Et puis, je ne sais pourquoi, reprit Christian en mangeant debout et en regardant les vêtemens épars devant lui, je me sens de la répugnance à toucher à ces vieilles reliques. Le sort de cette pauvre baronne Hilda a été si triste ! Savez-vous que mes soupçons ont encore augmenté depuis tantôt sur son genre de mort ?

— Au diable ! reprit M. Goefle ; je ne suis plus en train de ressasser les histoires du temps passé, moi ! Je me sens en humeur de rire et de courir. À l’œuvre, Christian, à l’œuvre, et à demain les idées tristes ! Voyons, passez donc cette robe à la polonaise ; elle est magnifique ! Pourvu que vos épaules y entrent, le reste ira tout seul.

— Je ne crois pas, dit Christian en enfonçant sa main dans une des poches de la robe ; mais voyez donc comme elle avait la main petite pour passer dans cette fente !

— Eh bien ! et vous aussi, ce me semble !

— Oui, mais moi, je ne peux plus retirer la mienne… Attendez ! oh ! un billet !

— Voyons, voyons ! s’écria le docteur en droit. Ce doit être curieux cela.

— Non, dit Christian, il ne faut pas le lire.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas ; cela ressemble à une profanation.

— En ce cas, j’en commettrais souvent, moi dont l’état est de fouiller dans les secrètes archives des familles.

M. Goefle saisit le billet jauni et lut ce qui suit :

« Mon Hilda bien-aimée, j’arrive à Stockholm, et j’y trouve le comte de Rosenstein. Je ne serai donc pas obligé d’aller à Calmar,