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convenables à ce pays au profit d’autres qui ne tirent aucun parti de leurs avantages. Appliqués à de grands états, ses effets sont funestes; que doit-il en être lorsqu’il s’agit de provinces peu étendues, dont les frontières rapprochées gênent le mouvement commercial, et opposent entre la production et la consommation de nuisibles barrières! C’est l’abolition de tous ces obstacles, c’est la réforme et l’accord des diverses législations commerciales qu’il faut souhaiter à l’Italie à défaut de tout autre bonheur.

Avant de parler de la culture, je crois devoir dire quelques mots des cultivateurs. Lorsque l’on voyage en Italie, ce qui frappe d’abord, c’est la rareté des habitans de la campagne et l’agglomération des populations dans de nombreuses petites villes de huit ou dix mille âmes en moyenne. Les Italiens aiment peu la campagne. Pour eux, l’existence n’est possible qu’à l’ombre des murs d’octroi; ils tiennent, disent-ils, ces mœurs des Romains, leurs pères. En Italie, on villégie beaucoup moins pour se soustraire aux chaleurs de l’été, accablantes dans les villes, que pour obéir à une mode que l’on subit sans trop s’en rendre compte. Le changement de lieux n’amène pas un changement bien radical d’habitudes; le temps se passe, à la campagne comme à la ville, entre le sommeil et l’ennui. Pendant le jour, on fait la sieste; le soir, on prend le frais dans un bosquet d’orangers ou de grenadiers; puis on se réunit dans une grande chambre sans meubles pour y jouer aux cartes, ou entretenir à grand’peine une languissante conversation. La société anglaise contraste avec le monde italien par son amour pour la campagne. Du reste, il faut le reconnaître, les circonstances ne sont les mêmes sous aucun rapport. C’est moins les intérêts de la gestion qu’une certaine importance politique ou administrative qui attire les grands propriétaires sur leurs terres, soit en France, soit en Angleterre. Les grands propriétaires italiens au contraire, réduits dans les villes à une importance politique et militaire plus que médiocre, se retrouvent sur leurs terres condamnés à la même nullité d’influence. Le carillon du couvent se fait partout mieux entendre que la clochette du château, quelque haut que soit le clocheton. Les rôles pourront changer néanmoins dès que l’aristocratie territoriale italienne, rompant avec le passé, s’occupera de l’amélioration de ses domaines et de ses colons, dès qu’elle supprimera l’intermédiaire détestable des intendans, qui ne songent qu’à épuiser le colon, et par suite le forcent à épuiser la terre, de sorte que c’est à qui tuera la poule aux œufs d’or.

La campagne, qui en Italie est sans attraits pour les propriétaires, se trouve naturellement fort peu prisée par les gens de la ville, qui n’y trouvent aucun intérêt. Leurs dédains ne s’arrêtent pas à la terre, ils atteignent injustement ceux qui la cultivent. Dans les sociétés