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trie, où les chutes d’eau abondent, où la main-d’œuvre n’est ni rare ni chère, offrira de grandes ressources aux industriels, lorsqu’il y aura des chemins de fer. Espérons pour eux que cet avenir n’est pas trop lointain, espérons surtout que patrons et ouvriers, mieux éclairés sur leurs intérêts, s’uniront pour réagir contre ce funeste mouvement de concentration qui s’opère vers les villes, et pour installer le travail industriel dans les campagnes.

Telle est la culture pastorale en Lombardie et la culture industrielle en Toscane. Dans les États-Romains, les conditions deviennent de plus en plus mauvaises pour le travail agricole. Lorsqu’après avoir visité Rome, l’étranger se rend à Tivoli, à Frascati, à Albano ou à Civita, il retrouve dans la campagne les marques d’abandon et de négligence dont il a été péniblement frappé dans la ville éternelle. A quelques kilomètres des portes finissent les villas, les enclos que l’on nomme vignes, et commencent les pâturages incultes, malsains, qui s’étendent sur chaque rive du Tibre. Le travail de l’homme est accusé seulement par de hautes palissades, qui séparent les diverses propriétés. Ici, sur un terrain trop sec, l’herbe jaunie se fane au soleil; là, des plantes marécageuses aux longs dards croissent dans des eaux stagnantes. La campagne est couverte de troupeaux qui passent l’hiver dans la plaine et l’été dans les montagnes de la Sabine et des Apennins. Ce sont des bœufs aux longues cornes, aux hautes jambes, des buffles noirs qui paissent à moitié plongés dans l’eau des étangs, des chevaux de formes peu élégantes, mais robustes, des moutons chétifs, des chèvres. Le troupeau est gouverné par un berger à cheval qui tient un long bâton à la main, gardien aussi sauvage que ses sauvages bêtes.

L’esprit trouve d’abord un charme secret dans la désolation de cette nature morte, digne cadre de la ville des ruines. Il va même jusqu’à savoir gré à cette campagne de ne pas étaler une activité, une prospérité déplacées, qui le distrairaient des souvenirs pleins de grandeur du passé. Une veuve de tant de gloire doit rester stérile et porter un éternel deuil; mais cette larme accordée à l’antiquité, cette dette payée à une civilisation disparue, le voyageur est bientôt rappelé à des intérêts plus positifs, non pas tant par l’absence d’un bien-être qui est généralement ignoré en Italie que par le spectacle particulier de la pauvreté romaine et de la misère où végète cette population clair-semée. C’est que le climat si vanté de l’Italie n’en a pas moins ses dangers en certaines parties où les eaux restent croupissantes après les grandes crues, où le sol dépouillé de ses arbres ne tempère plus les variations de l’atmosphère. Des nuits d’une fraicheur mortelle succèdent à des journées brûlantes, engendrent des fièvres qui déciment la population et la tuent lentement après