de soin et de dépenses, ni compter même que ses murailles, imposantes par leur hauteur massive, mais en réalité fort délabrées, pussent résister longtemps, ne fût-ce qu’à l’action destructive des canons dont il les avait armées. La possession de la Muchie-Bhaoun lui avait servi jusqu’alors par le prestige de force qu’elle lui prêtait, et qui avait maintenu la ville dans l’obéissance. À présent il fallait l’évacuer, et l’évacuer sans laisser aux insurgés les immenses approvisionnemens qu’on y avait entassés. Dans la première journée du siège, deux ou trois émissaires, porteurs des ordres relatifs à cette opération délicate, quittèrent successivement la résidence ; mais comme on avait fort à craindre qu’ils ne pussent remplir leur périlleuse mission on eut en outre recours à un système de communication télégraphique convenu d’avance. Le télégraphe fort élémentaire qu’on avait établi sur le point culminant de la résidence se composait d’un poteau surmonté d’une barre transversale où pendait une rangée de sacs de toile noire, bourrés de paille, à chacun desquels correspondait une poulie qui servait à le manœuvrer. Quand il fallût s’en servir, la simple apparition de quelques hommes sur la terrasse de la résidence y attira aussitôt une véritable pluie de balles qui coupèrent les cordes de plusieurs des sacs. De plus, les poulies jouaient mal. Il fallut à deux reprises différentes démonter et replacer l’appareil entier. On en vint à bout après trois heures de travail accompli sous un soleil ardent et un feu soutenu de mousqueterie. Un message put être lancé qui prescrivait au capitaine Francis, commandant du fort[1], d’en sortir le soir même à minuit, emportant avec lui les canons et le trésor de la place, et après avoir autant que possible détruit les munitions qu’il ne pourrait enlever. Cet ordre était-il exécutable ? L’ennemi, avec tous les avantages de sa position, n’intercepterait-il pas le faible convoi qu’on appelait ainsi à travers ses lignes ? Questions par elles-mêmes d’un intérêt poignant, et de plus questions vitales pour la défense, dont l’organisation s’achevait en toute hâte.
Les insurgés, fort heureusement fidèles à leur respect traditionnel pour la Muchie-Bhaoun, qu’ils persistaient à regarder comme imprenable, ne pouvaient prévoir la mesure adoptée par sir Henry Lawrence, Celui-ci de plus ; aux approches de l’heure indiquée, prit soin de détourner leur attention par un feu d’artillerie qu’on ouvrit à la fois dans toutes les directions, mais principalement du côté du pont de fer, à l’extrémité duquel passe la route qui de la
- ↑ Blessé quelques jours après (le 8 juillet) dans sa chambre même (brigade-mess) par un boulet de canon, qui, perçant la muraille, lui brisa les deux jambes. L’amputation amena des accidens mortels, ce qui, au dire des journaux du siège, arrivait presque inévitablement.