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méridionale, la plus attaquée, est tournée vers la route de Cawnpore. C’est là qu’est la garnison commandée par le capitaine Anderson ; c’est là qu’est la maison de ce Français dont nous avons déjà parlée M. Deprat ou Duprat ; c’est là qu’est la batterie dite de Cawnpore ; Deux autres ouvrages reliés à ceux-ci (Judicial-Garrison, Sago’s-Garrison) leur prêtent et en reçoivent secours. De la maison Sago à l’angle occupé par le corps de garde dit Baily-Guard, lequel défend une des deux portes de l’enceinte, trois postes retranchés (Fayrer’s-Garrison, Financial-Garrison, Baily-Guard) et quatre pièces en position battent l’entrée de la Baily-Guard-Gate[1]. La face suivante s’étend presque à la pointe extrême du redan, espèce de promontoire fortifié à qui son escarpement permet de dominer la rivière et de balayer le pont suspendu, le plus voisin de la résidence. Sur cette face ouvre la Porte d’eau (Water-Gate), du côté de la Goumti. En arrière de cette issue est une autre batterie (Alexander’s-Battery), qui, avec les canons du redan, tient en respect les insurgés installés soit dans le Captan-Bazar, soit dans la mosquée voisine. Enfin, de la pointe du redan à cette autre pointe extrême où se trouvent les bungalows occupés par la garnison Innés, s’élève un dernier front, au-devant duquel sont des huttes ruinées et une grève marécageuse au bord de la rivière : c’est le mieux protégé par les difficultés du terrain et celui qu’on devait le moins assaillir.

Cette enceinte, dont nous venons de faire rapidement le tour, n’a pas, dans sa plus extrême longueur, plus de deux mille deux cents pieds anglais, et plus de treize cents dans sa largeur la plus développée. Sur cet étroit plateau, derrière un réseau de fossés, de parapets, d’estacades, s’entassaient cinq ou six cents hommes armés pour le défendre, environ deux cent cinquante malheureuses femmes européennes[2], et à peu près pareil nombre d’enfans à elles, tous voués au massacre, si, sur un seul point de l’enceinte, une brèche livrait passage aux bandes furieuses qui les cernaient de tous côtés.

À peine sir Henry Lawrence s’y vit-il enfermé, que l’impossibilité de diviser la défense lui apparut bien évidente. Il ne pouvait ni se passer des soldats européens qui formaient la garnison de la Muchie-Bhaoun, cette forteresse détachée qu’il avait munie avec tant

  1. Fermée d’ailleurs par un terrassement.
  2. Une liste nominative porte leur nombre à 238, dont 69 dames (ladies) avec 67 enfans. Les 169 autres femmes européennes avaient 196 enfans. Il faut ajouter à ces deux groupes les femmes et enfans de sang mêlé (eurasians) et les subalternes non combattans, les élèves du collège La Martinière, etc. C’est ainsi que peut s’expliquer le calcul de M. Rees, qui, après avoir porté à 600 hommes le chiffre de la garnison proprement dite, ajoute que les femmes ou enfans dont elle avait à garantir l’existence menacée s’élevaient « au triple de ce nombre. »