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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/606

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Dans l’intérieur des communes, le principe que nul ne possède aucune fraction du sol à titre de propriété privée, et qu’un habitant jouit seulement d’une certaine part d’usufruit, a été fidèlement maintenu. Les tsars, suzerains immédiats, avaient frappé les communes de la redevance connue sous le nom d’obrok, qui, suivant l’étymologie du mot, rappelle un subside pour la nourriture et l’entretien de l’armée. Au lieu d’être perçu individuellement de chaque détenteur d’une fraction du sol dans la mesure de la contenance possédée, ce qui aurait fait établir un droit permanent à la terre, l’obrok fut imposé en bloc à la commune rurale, et cette charge fut répartie suivant le nombre des individus mâles, de manière à constituer un cens personnel, et non un impôt foncier. Il est facile de comprendre les conséquences d’un pareil principe : le véritable fonds à exploiter fut l’homme et non pas la terre. Le paysan de la couronne fut forcément attaché à la commune, comme le serf à la glèbe du seigneur. Telle est encore la position d’une population de plus de 20 millions d’âmes qui habite environ 10,000 milles carrés (2 millions de kilomètres) de sol cultivé et de forêts, et qui dépend immédiatement de l’administration des domaines de l’empire.

Jusqu’à Pierre Ier, cette administration avait été confiée à la chambre du palais (dvorovié prikazi), et pour certaines provinces à des autorités spéciales (prikazi) qui percevaient les redevances et qui administraient la justice. Pierre le Grand réunit le tout en établissant le collège économique, et Paul Ier confia, en 1797, l’administration supérieure à une expédition économique faisant partie du sénat. En 1802, sous Alexandre Ier, à l’époque où furent organisés des ministères spéciaux, la direction de l’administration des domaines fut dévolue à un département particulier du ministère des finances.

L’administration provinciale des domaines avait été divisée du temps de Catherine II en trois parties : les affaires de police étaient confiées à la régence du gouvernement, le pouvoir judiciaire aux tribunaux civils et criminels ordinaires, la partie financière aux chambres des finances des gouvernemens respectifs. L’administration d’arrondissement, à son tour, était divisée en deux parties, la police et la justice, et cet état de choses se conserva, sans modification essentielle, jusqu’à la réorganisation complète entreprise sous le règne de l’empereur Nicolas. Les institutions rurales se sont maintenues chez les paysans de la couronne dans leur forme rudimentaire. Repliée sur elle-même, la commune servait pour vivre, et vivait pour servir. Personne ne pouvait s’élever au milieu d’elle par la lumière ou par la richesse de manière à fournir l’utile enseignement de l’exemple ; le désir d’un sort meilleur, désir naturel à