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trouve portée aux comptes de 1852 pour 37,550,000 roubles-argent, environ 150 millions de francs; bien faible résultat, si on le met en regard d’une population de plus de 20 millions, qui exploite au-delà de 40 millions d’hectares de terres arables, prairies et pâturages! Le compte-rendu des domaines pour 1851 porte même la superficie totale des terres de toute nature assignées à l’usage des paysans des domaines à 81 millions de dessiatines[1], environ 89 millions d’hectares. Les semailles eu grains de toute espèce y sont évaluées à 22,486,181 tchetverts (45 millions d’hectolitres), et la récolte à 85 millions de tchetverts (170 millions d’hectolitres). Il est juste de rappeler à l’honneur du comte Kisselef que, lorsqu’il prit en 1838 l’administration des domaines de la couronne, ces chiffres étaient beaucoup moins considérables. Sans doute les relevés statistiques, faits alors avec peu de soin, étaient fort incomplets; mais, tout en tenant compte de cet élément d’inexactitude, on est amené à constater l’active impulsion donnée depuis vingt ans à la production agricole, bien que les données officielles n’annoncent encore qu’un produit inférieur à quatre grains pour un, preuve irrécusable de l’état arriéré de l’agriculture.

D’après Reden, la Russie ne récolterait, en moyenne générale, que trois fois la semence[2] 1 Agronome distingué, M. de Haxthausen était parfaitement compétent pour juger la question : or il se plaint sans cesse de voir le sol mal exploité. Il en accuse l’esprit national, qui n’aurait point de penchant pour le travail pénible des champs; par suite d’une erreur trop vulgaire, il prend ainsi l’effet pour la cause. Celle-ci tient à la mauvaise organisation rurale, à l’absence du droit de propriété et à la rareté du fermage, qui s’opposent aux soins attentifs et assidus de la part du cultivateur. Partout les prés manquent, la culture des prairies artificielles est presque inconnue, le bétail peu nombreux ne donne qu’un fumier insuffisant. On laboure le sol à la légère et on l’épuisé promptement. Dans le gouvernement de Toula, un excellent terrain, qui, bien fumé et soigneusement cultivé, rendrait douze et quinze fois la semence, ne donne aujourd’hui, généralement parlant, que quatre grains pour un. L’organisation qui conduit à de pareils résultats est évidemment viciée dans son principe.

Depuis l’établissement des communes rurales, qui constituent la part la plus importante des domaines de l’empire, chaque fraction de territoire cultivée par ces agrégations d’habitans est restée à l’état de simple concession, au lieu de revêtir le caractère du droit positif.

  1. Une dessiatine équivaut à 1,092 hectares.
  2. Russland’s Kraft-Elemente, 1854.