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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/629

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jours l’élément le plus actif du développement social; grâce à elle, au moyen de nuances régulièrement ménagées, la société civile se fond en un ensemble harmonieux. Une grande et féconde activité se propage sur tous les échelons; ceux qui sont placés en bas cherchent à s’élever, ceux qui ont pris les devans redoublent d’efforts pour ne point déchoir. C’est le mouvement, c’est la vie, tandis que la pratique communiste, c’est forcément le sommeil et la mort.

Séduit par les prétendus mérites d’organisation de la commune russe, M. de Haxthausen prétend la placer au rang des institutions politiques les plus remarquables. « Il y existe, dit-il, un accord organique et une forme sociale qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Grâce à la commune, le prolétariat est inconnu en Russie, et tant que cette institution existera, il ne pourra jamais s’y former. Un homme peut y devenir pauvre et dissiper sa fortune, mais les fautes et les malheurs du père ne sauraient y atteindre les enfans, car ceux-ci, ne tenant pas leurs droits de la famille, mais de la commune, n’héritent pas de la pauvreté du père. » Cet enthousiasme quelque peu naïf pour l’absence de responsabilité personnelle entraîne l’écrivain allemand à des manifestations socialistes qui s’accordent à merveille, on n’a eu que trop souvent à le constater, avec les doctrines du pouvoir absolu. Faute d’avoir sondé le vide et les périls du communisme, il suppose que ce système ferait disparaître la misère. Telle est aussi l’illusion à laquelle cède M. de Gerebtzof[1]. L’écrivain radical connu sous le pseudonyme d’Iscander[2] doit s’applaudir de rencontrer de pareils auxiliaires; partis du côté opposé de l’horizon politique, les absolutistes et les socialistes sacrifient à la même idole. Suivant Iscander, « le communisme, c’est l’autocratie russe renversée. » Il applaudit à un régime où « l’individu disparaît, absorbé par la société, » et c’est tout simple : il est socialiste, il le proclame, il peut célébrer un essai de phalanstère, « qui n’est autre chose qu’une commune russe et une caserne de travailleurs. » Ceux pourtant qui croient à la puissance de la liberté savent le compte que l’on peut tenir de ces masses enrégimentées, au milieu desquelles l’homme cesse d’être une créature intelligente et libre, pour devenir un outil animé, le ressort impassible d’un immense mécanisme! En fait, les résultats obtenus en Russie ne sont pas de nature à recruter au socialisme de nombreux prosélytes.

Dans le débat engagé au sujet des instructions autochthones de la Russie, on a, nous le répétons, constamment confondu deux choses : le principe communal, qui est chez tous les peuples libres un levier

  1. Les trois Questions du moment, — le Communisme.
  2. Hertzen, l’auteur des Idées révolutionnaires en Russie.