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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/826

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l’on y était passé de la confiance la plus intime à une hostilité presque patente contre la cour impériale. Les espérances entretenues par Riperda avaient fini par se dissiper après d’énormes sacrifices pécuniaires faits depuis deux ans par l’Espagne pour servir des subsides au gouvernement autrichien. L’on commençai! à comprendre que l’empereur ne pouvait, sans manquer à ses devoirs envers ses ancêtres et envers l’Allemagne, faire passer dans la maison de Bourbon la succession de ses états héréditaires, et l’on n’ignorait plus sa résolution de marier l’archiduchesse sa fille avec un prince de Lorraine. Ainsi la garantie si légèrement promise à la pragmatique sanction, par laquelle l’empereur, à défaut d’héritier mâle, disposait en faveur de Marie-Thérèse de la totalité de ses possessions, au lieu de servir, comme on l’avait rêvé, les intérêts de l’infant don Carlos en préparant l’union de la jeune archiduchesse avec ce prince, était devenue pour la cour d’Espagne un sacrifice purement gratuit, et la reine avait été prise au piège de ses ambitions maternelles. Désabusé de la sorte, Philippe V, qui associait à tous les scrupules du cloître toutes les cupidités d’un père et d’un roi, et pour lequel l’égoïsme domestique était devenu comme une seconde conscience, avait passé tout à coup du plus étrange abandon envers l’Autriche à une colère désordonnée. N’ayant plus rien à attendre de cette cour, et entre tous ses rêves évanouis ne conservant que sa passion inextinguible, ce prince se trouva forcément ramené aux anciennes propositions de la France pour l’établissement territorial des infans en Italie à la mort des derniers princes régnans de Parme et de Toscane. L’on comprend donc que, l’Espagne revenant au projet de prendre pied au-delà des Alpes et la France faisant de son côté à l’acceptation de la pragmatique de Charles VI des objections naturelles, il devenait impossible de s’entendre à Soissons malgré les dispositions résolument pacifiques de Walpole et de Fleury, intimement associés dans une pensée commune. Sans rompre avec l’Autriche, le cardinal voulait faire payer à Charles VI la garantie si passionnément souhaitée de la pragmatique, et on verra bientôt de quel prix magnifique l’heureuse destinée de Fleury lui permit de la faire acheter.

Cependant le pays s’abandonnait sans résistance au vieux ministre, satisfait d’un gouvernement qui avait rendu la sécurité aux intérêts, et qui semblait ériger en système la somnolence où se reposait en ce moment la nation entre les grandes luttes militaires de l’époque précédente et les agitations d’esprit de l’ère qui allait s’ouvrir. La France traversait l’une de ces périodes durant lesquelles, le sentiment public n’aspirant point à voir devancer son réveil par une initiative inopportune, il suffit au pouvoir d’éviter les fautes. En promettant de ne plus toucher aux monnaies, en prenant, pour mettre