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régler les conditions de la lutte que les alliés se proposaient de soutenir en commun[1]. D’après les dispositions de cet acte mémorable, le royaume de Naples et de Sicile, dont l’Espagne se proposait de faire la conquête, devait être attribué à l’infant don Carlos; les duchés d’Italie occupés par ce prince passeraient à l’infant don Philippe, son plus jeune frère; le roi de Sardaigne enfin recevait la promesse de ce beau duché de Milan sur lequel les armées françaises se préparaient à porter les premiers coups.

Conformément aux stipulations de ce traité, l’année 1733 n’était pas encore terminée que l’empereur était attaqué dans le royaume de Naples par les Espagnols, en Allemagne et en Lombardie par les Français, assistés d’une armée piémontaise. La domination autrichienne avait suscité de si vives irritations dans les Deux-Siciles, elle y était d’ailleurs appuyée sur des forces si peu nombreuses et si mal commandées, que la conquête de ces royaumes, opérée par le duc de Montemart, eut moins l’apparence d’une grande expédition militaire que celle d’une course triomphale. Dès les premiers mois de 1734, don Carlos pouvait prendre possession de ses nouveaux domaines. Jamais changement si considérable n’avait été aussi facilement consommé. Les populations sanctionnèrent cette fois par une adhésion chaleureuse les arrangemens préconçus des hommes politiques, et l’on vit un jeune prince digne de sa fortune placer une nouvelle couronne dans sa maison en fondant une dynastie italienne dans ces contrées, magnifique et sanglant théâtre des luttes séculaires de l’Europe.

Au-delà des Alpes et sur les bords du Rhin, la guerre se poursuivit durant deux campagnes avec des succès divers. Les résultats définitifs furent toutefois presque constamment favorables à la France, malgré l’arrivée d’une armée russe accourue en 1735 pour prendre part aux querelles de l’Europe occidentale, mais dont profita fort peu le prince Eugène, épuisé par l’âge et déserté par la fortune. Dès le début des hostilités, les Français s’étaient emparés de la Lorraine, devenue comme une province autrichienne par le mariage convenu du duc François-Etienne avec l’héritière désignée de toutes les possessions de Charles VI. Arrêté devant Philippsbourg, Berwick y trouvait la mort de Turenne, pendant que son glorieux émule Villars, commandant l’armée d’Italie, engagé dans de violens démêlés avec le roi de Sardaigne, notre allié un peu suspect, mourait à Turin de vieillesse et de colère. L’acharnement de l’ennemi aux sanglantes journées de Parme et de Guastalla fit éprouver sans doute à la France des pertes énormes, mais le résultat final de la guerre n’en demeura pas plus douteux. L’Autriche n’était point

  1. Traité de Turin du 20 septembre 1733.